Menu
Libération
TRIBUNE

Au Sénégal, la mise à l’écart de la Constitution signe un dangereux recul démocratique

Article réservé aux abonnés
Après avoir modifié en 2016 la loi suprême pour pouvoir briguer un troisième mandat avant de renoncer, le président Macky Sall récidive en reportant la date de l’élection présidentielle. Si le contexte électoral et même institutionnel est entaché, c’est du fait de ses propres manipulations politiques et celles de son parti.
Le président sénégalais Macky Sall lors d'un entretien avec Associated Press au palais présidentiel de Dakar (Sénégal), le 9 février 2024. (Sylvain Cherkaoui/AP)
par Alioune Wagane Ngom, chercheur en droit public à l'université de Reims et Joan Ricart-Huguet, professeure assistante en science politique à Loyola University Maryland
publié le 15 février 2024 à 16h27

Le président Macky Sall vient de reporter, au 15 décembre, l’élection présidentielle qui devait se tenir au Sénégal le 25 février. Cette décision est inédite dans l’histoire constitutionnelle et politique du Sénégal indépendant depuis 1960. Jusqu’à présent, le Sénégal était considéré comme un îlot de stabilité et de démocratie dans une sous-région de l’Afrique de l’Ouest caractérisée par plusieurs coups d’Etat militaires ces dernières années (Mali, Burkina Faso, Niger, Gabon, Guinée). La démocratie sénégalaise a été éprouvée en 2012 quand Abdoulaye Wade souhaitait faire un troisième mandat. Il a finalement perdu les élections de 2012 et a accepté sa défaite.

Le report de l’élection présidentielle est le dernier et le plus important coup porté à la démocratie sénégalaise. Les premiers signes de ce recul démocratique datent de 2016 quand Macky Sall a entamé son projet de modification de la Constitution pour un troisième mandat. Il s’est ensuivi une attaque sans précédent de l’opposition avec l’emprisonnement du principal opposant Ousmane Sonko et de ses partisans, la dissolution du Pastef (