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TRIBUNE

Aurélien Bellanger : «Le 11 Septembre a contribué à me rendre complètement con»

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Les attentats du 11 Septembre 2001 aux Etats-Unisdossier
L’écrivain raconte l’impossibilité de traiter l’attentat terroriste à travers le roman. L’événement, plus fort que toutes les tentatives de restitutions artistiques, a donné naissance à un nouveau genre, mêlant vidéo, complotisme et angoisse sécuritaire.
Le 11 septembre 2001, à Times Square, à New York, lors de l'attaque des tours jumelles du World Trade Center. (Shannon Stapleton/REUTERS)
par Aurélien Bellanger Ecrivain
publié le 11 septembre 2021 à 10h18

Le 11 Septembre a fait beaucoup de mal aux écrivains français. Il y avait pourtant, dans l’événement, quelque chose qui ressemblait à un fantasme littéraire sorti tout droit du Nouveau Roman : cela ne pouvait que relever de la description pure, comme seul ce genre littéraire, largement décrié par ailleurs, en avait eu le secret. Il aurait fallu des milliers de pages de description à la Robbe-Grillet pour arriver à décrire ce que la télévision nous donnait d’un seul coup. Le grand roman moderne, beau comme un rapport d’un bureau d’enquêtes accidents, était un horizon qu’on pouvait encore rêver d’atteindre, un an plus tôt, quand le Concorde s’était crashé sur Gonesse, et que la seule image de l’avion en feu avait été filmée depuis, je crois, la cabine d’un camping-car belge qui passait par là : l’événement n’était pas trop intimidant, et comme Butor avait écrit une description de San Marco, on pouvait rêver de sa restitution littéraire intégrale : aux voûtes dorées byzantines répondaient bizarrement, dans notre imaginaire, les couvertures de survies froissées des grandes catastrophes, comme celle de l’attentat de Saint-Michel, qui faisaient ressembler leurs victimes à des petits satellites enrubannés.

L’explosion de Challenger avait donné lieu, justement, à un poème en prose merveilleusement bien coordonné par Feynman, le physicien qui avait l’air d’avoir appartenu à la Beat Generation. On était en 2001 et en droit d’attendre une histoire orale de n’importe quel événemen