Le 11 Septembre a fait beaucoup de mal aux écrivains français. Il y avait pourtant, dans l’événement, quelque chose qui ressemblait à un fantasme littéraire sorti tout droit du Nouveau Roman : cela ne pouvait que relever de la description pure, comme seul ce genre littéraire, largement décrié par ailleurs, en avait eu le secret. Il aurait fallu des milliers de pages de description à la Robbe-Grillet pour arriver à décrire ce que la télévision nous donnait d’un seul coup. Le grand roman moderne, beau comme un rapport d’un bureau d’enquêtes accidents, était un horizon qu’on pouvait encore rêver d’atteindre, un an plus tôt, quand le Concorde s’était crashé sur Gonesse, et que la seule image de l’avion en feu avait été filmée depuis, je crois, la cabine d’un camping-car belge qui passait par là : l’événement n’était pas trop intimidant, et comme Butor avait écrit une description de San Marco, on pouvait rêver de sa restitution littéraire intégrale : aux voûtes dorées byzantines répondaient bizarrement, dans notre imaginaire, les couvertures de survies froissées des grandes catastrophes, comme celle de l’attentat de Saint-Michel, qui faisaient ressembler leurs victimes à des petits satellites enrubannés.
L’explosion de Challenger avait donné lieu, justement, à un poème en prose merveilleusement bien coordonné par Feynman, le physicien qui avait l’air d’avoir appartenu à la Beat Generation. On était en 2001 et en droit d’attendre une histoire orale de n’importe quel événemen