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TRIBUNE

Aux ados de ma cité, par Nadir Dendoune

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Habitant de la cité Maurice-Thorez à L’Ile-Saint-Denis, l’écrivain et journaliste Nadir Dendoune témoigne de son impuissance face à une jeunesse en colère.
La cité Maurice-Thorez à L'Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). (Nadir Dendoune)
par Nadir Dendoune
publié le 3 juillet 2023 à 18h15

L’autre soir – il était 22 heures –, en revenant chez moi à la cité Maurice-Thorez à L’Ile-Saint-Denis, je t’ai croisé toi et tes potes. Vous marchiez d’un pas déterminé.

Je ne savais même pas que vous viviez ici. Vous m’avez répondu : «On est du bâtiment 9.»

Je vous ai regardés de haut en bas, minutieusement. Vous portiez tous un survêtement noir à capuche, des baskets et des gants.

Comme un policier, je vous ai demandé vos noms, vos âges et si vos parents étaient au courant de votre virée nocturne ? «Moi, c’est M, moi, c’est T et moi, c’est Y. On a 13, 14, et 14 ans. Oui, oui, demain y a pas école, on va juste se balader.» Effectivement, ils habitaient la cité. Je ne les avais pas reconnus. Ils avaient grandi d’un coup. Je me suis souvenu d’eux, jouant au bac à sable. Bien sûr, ils n’allaient pas juste se balader.

J’ai répondu «Me prenez pas pour un con.» Puis, je vous ai mis en garde, vous avez essayé de me rassurer, un léger sourire en coin. J’ai répété, banalement, «Faites pas les cons. Pensez à vos parents, pensez à votre avenir.» Je savais que c’était des paroles vaines.

Nahel est mort mardi, abattu comme un chien par un policier, et comme vous, je suis en colère.

Votre émotion est compréhensible, je la partage. Parce que Nahel c’est vous, ce sont vos copains.

Le gendarme aurait-il osé tirer sur un habitant de la Creuse ?

Comme vous, je n’en peux plus de celles et ceux qui disent que Nahel l’a un peu cherché. Auraient-ils dit la même chose si c’était Nicolas, habitant d’un petit village de la Creuse, de retou