Martiniquaise, Martiniquais, mes chers compatriotes, aujourd’hui, je vous parle avec le cœur brûlé, la bouche amère. Nous, gens des Antilles – descendants de peuples amérindiens génocidés, fils d’Africains déportés dans les enfers esclavagistes, fils aussi de ces hommes, de ces femmes, arrachés à l’Inde, à la Chine, à la Palestine, à la Syrie ou au Liban, dans des conditions barbares –, nous avons traversé des siècles de souffrances, de luttes incessantes mais aussi d’héroïsmes entêtés et de résiliences marronnes.
Notre histoire est marquée par des effondrements entiers de cultures et de civilisations, mais aussi par des renaissances inattendues et des surgissements enthousiasmants. Nous avons connu cet «omni-niant crachat! » dont a parlé Césaire. Nous avons enduré les chaînes du corps et de l’esprit, les brutalités de la colonisation, les blessures abjectes du racisme, les affres que subissent encore les minorités humiliées dans tous les bords du monde. Chacune de nos générations a dû surmonter des obstacles terrifiants pour conserver, intacts, des trésors de dignité, d’humilité sereine et d’orgueilleuse humanité. Elles ont gravé quelques-unes des plus belles pages de l’expérience humaine. La haine ne saurait donc passer par nous.