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TRIBUNE

Université : les Etats-Unis entérinent l’inégalité des chances

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En mettant un terme à la discrimination positive pour les minorités et en refusant à l’administration fédérale le droit d’agir sur l’endettement étudiant, la Cour suprême réaffirme sa croyance dans le mythe de la pureté méritocratique qui favorise la reproduction sociale, pointe l’historien Romain Huret.
Sur le campus de Harvard, à Cambridge, le 29 juin. (Scott Eisen/Getty Images via AFP)
par Romain Huret, Historien
publié le 3 juillet 2023 à 16h00

En quelques jours, la Cour suprême des Etats-Unis a affiché sans retenue sa position sur l’accès à l’enseignement supérieur. En mettant un terme à la discrimination positive (affirmative action) pour les minorités et en refusant à l’administration fédérale le droit d’agir sur l’endettement étudiant, elle cautionne la théorie conservatrice du capital humain, invitant chacun à investir dans sa réussite individuelle. Elle réaffirme sa croyance dans une pureté méritocratique originelle, marque de fabrique d’un pays où chacun peut grimper l’échelle sociale grâce à son seul talent et son travail individuel. Les juges se sont surtout assis sur la masse d’ouvrages et d’articles de sciences sociales démontant ce mythe méritocratique dans l’Amérique du XXIe siècle.

Ces travaux ont patiemment démontré le rôle central de l’enseignement supérieur pour consolider les positions dominantes de l’élite, malgré les efforts entrepris au milieu du XXe siècle. L’université ne joue plus son rôle d’ascenseur social et renforce plus que jamais le capital culturel et social. Selon certains, cette fonction possède un fondement institutionnel : la préférence familiale (legacy preference), la discrimination positive dont bénéficient les membres de l’élite que le journaliste Michael Lind a qualifiée de