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TRIBUNE

Beyrouth : «Nous ne sommes pas encore en enfer. Juste à son seuil»

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Explosions à Beyrouth: la colère des Libanaisdossier
Un an après l’explosion du 4 août au port, l’écrivaine libanaise Hyam Yared décrit la vie d’un peuple dont la «vie se résume à éviter de mourir» étouffé dans un pays tombé dans l’indifférence mondiale.
Les fresque citoyenne en hommage aux victimes de l'explosion du 4 août 2020 sur l'avenue Charles-Helou à Beyrouth, à quelques dizaines de mètres du port soufflé par la déflagration. (ALINE DESCHAMPS/Libération)
par Hyam Yared, écrivaine libanaise
publié le 3 août 2021 à 16h17

«C’est donc triste un anniversaire, m’a dit ma fille de sept ans, si c’est pour fêter le temps qui passe.» C’est encore plus triste si c’est pour fêter un temps qui ne passe pas et commémorer une tragédie qui a fait du mois d’août un mois maudit. Je pense à ceux qui ont laissé leurs vies dans l’explosion de l’an dernier, à leurs familles, aux centaines de blessés réduits à vivre avec leurs handicaps, sinon avec leurs traumas. Partout sur toutes les lèvres, le même constat : «Même en vingt ans de guerre, nous n’avons jamais connu une telle ampleur d’horreur !» Cette horreur contre laquelle nous pensions être immunisés, une seule explosion l’a ravivée, plus cauchemardesque encore que dans nos souvenirs. Car cette explosion n’a pas seulement envoyé ses projectiles de verres, de métaux, de ciments, de membres humains déchiquetés, elle a, en réalité, implosé dans les foyers, dans nos intimités, dans nos quotidiens. En une fraction de seconde l’enfer s’est propagé, rameutant la presse au chevet de ce pays tant et plus fantasmé qu’un an plus tard, personne ne couvre plus, sinon mollement ou pour remplir les espaces vides des magazines, sa déliquescence latente, lente, et i