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TRIBUNE

Candidats à la présidentielle, faites entrer l’Université dans vos débats !

Parcoursupdossier
Précarité étudiante, égalité des chances, financement de la recherche… On peine à trouver la moindre évocation de ces enjeux en ce début de campagne. Pourtant, les sujets ne manquent pas, alerte Frédéric Allaire, professeur de droit public à l’université de Nantes.
A l'université Rennes 1 en janvier 2021. (Damien Meyer/AFP)
par Frédéric Allaire, professeur de droit public à l’Université de Nantes
publié le 10 décembre 2021 à 3h09

Il est des anecdotes particulièrement significatives du peu de considération que les pouvoirs publics manifestent historiquement en France pour l’enseignement supérieur et la recherche en général et l’Université en particulier. Lors du deuxième confinement, il a fallu trois mois et plusieurs suicides d’étudiants pour qu’apparaisse pour la première et seule fois Frédérique Vidal, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche à la tribune des conférences hebdomadaires du gouvernement sur l’état de la crise sanitaire. Manifestement, le sort des 2,5 millions d’étudiants abandonnés à leurs écrans la préoccupait moins que l’infortune des skieurs sans remontées mécaniques.

On ne saurait être surpris de cette marginalisation tant on peine à trouver la moindre évocation de ces enjeux autant en ce début de campagne présidentielle que dans des interventions marquantes lors de mandats précédents. Il semble pourtant difficile de comprendre comment la formation des étudiants ou la recherche scientifique peut échapper à ce point au débat public pour être abandonnés au seul pouvoir des bureaux. Aussi nous a-t-il semblé que l’avenir de l’Université méritait peut-être enfin un débat sérieux auquel nous appelons les candidats à l’élection présidentielle à participer. Et les sujets ne manquent pas.

Le premier est assurément celui de l’émancipation de la jeunesse et de l’égalité des chances dans un enseignement supérieur public à deux vitesses dont les dotations par étudiant sont de près de 10 000 euros à l’Université contre 16 000 en classe préparatoire aux grandes écoles, dont les conditions de sélections (que pensent-ils de Parcoursup ?) et le montant des frais d’inscription présentent des conceptions radicalement divergentes de l’accès aux études supérieures. Quels moyens et ambitions nourrissent les candidats à l’élection présidentielle pour offrir une formation de qualité lorsque le budget des universités est aussi faible, que le taux d’encadrement est aussi bas, que l’enseignement supérieur est à l’avant-garde de l’uberisation avec près de 4 millions d’heures d’enseignement dispensées par des vacataires dont la rémunération est inférieure au Smic horaire ? Quels espoirs peuvent ainsi avoir les bacheliers d’étudier dans des conditions leur permettant de tirer le meilleur parti de l’enseignement dispensé indépendamment de leur condition d’origine ?

A ces questions s’ajoute celle étroitement liée et tout aussi fondamentale de la politique de la recherche en France. A cet égard, l’adoption de la loi de programmation pour la recherche pendant le confinement de l’hiver dernier en procédure accélérée à coups d’amendements improvisés, adoptés nuitamment, ne fut manifestement pas à la hauteur de ses enjeux. Aussi serait-il opportun de connaître les propositions des candidats sur son financement, ses objectifs, son organisation et le statut de ses personnels. Peut-être pourraient-ils s’engager sur le montant des dotations publiques qu’ils entendent consacrer à la recherche rapporté au PIB, s’exprimer sur le crédit d’impôt recherche, sur leur préférence entre le paradigme concurrentiel et celui coopératif de la recherche, sur l’autonomie réelle ou supposée des universités, sur la valorisation des chercheurs ou encore l’exil d’un certain nombre d’entre eux.

Assurément, toutes ces questions valent bien un débat au moins une fois tous les cinq ans en attendant qu’un candidat puise dans l’intelligence collective peut-être un jour, un projet politique ambitieux.

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