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TRIBUNE

Comment faire confiance au langage lorsqu’il vous fait souffrir ? par Adania Shibli, écrivaine palestinienne

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L’autrice née en Palestine a été récompensée mi-octobre par le Salon du livre de Francfort, avant que celui-ci ne déprogramme sa remise de prix. Pour la première fois en France, elle écrit pourquoi, depuis le début de la guerre Hamas-Israël, elle craint de perdre ses mots et, par conséquent, sa raison d’être.
Adania Shibli en 2015. (Hartwig Klappert)
par Adania Shibli, écrivaine, lauréate du prix du Salon du livre de Francfort 2023
publié le 12 janvier 2024 à 18h16

«Ce qui se passe en Palestine/Israël me laisse, comme beaucoup d’autres, sans voix.» C’est ainsi que l’écrivaine palestinienne Adania Shibli nous avait poliment éconduits, lorsqu’on l’avait sollicitée mi-octobre. Lauréate quelques jours plus tôt de la principale distinction du Salon du livre de Francfort, la romancière et poétesse venait d’apprendre l’annulation de la cérémonie de remise du prix – sans remettre en cause l’attribution de ce dernier – après l’attaque du Hamas contre Israël. «Le Salon du livre de Francfort déclare rendre les voix israéliennes “audibles” tandis qu’elle réduit l’espace accordé aux voix palestiniennes», dénoncent aussitôt plus de 600 personnalités littéraires – dont trois Prix Nobel – dans une tribune au Monde. Pour la première fois depuis le 7 octobre, la finaliste de l’International Booker Prize en 2021 (pour son roman Un détail mineur chez Actes Sud-Sindbad), née en Palestine en 1974 et vivant entre Jérusalem et Berlin, exprime sa sidération.

Les sentiments. Je ne parviens plus à avoir accès à mes sentiments depuis le début des dernières cruautés qui ont franchi un nouveau seuil et se sont déchaînées contre les