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TRIBUNE

De Mitterrand à Bardella, comment j’ai vu la France péricliter moralement

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Le philosophe québécois Alain Deneault se souvient de son premier voyage en France, en 1991, pour découvrir la gouvernance socialiste et ses premiers renoncements. Aujourd’hui, il appréhende d’y observer comment les mœurs se délitent dans un pays animé par des idées fascistes.
Des personnes regardent un écran de télévision dans un café de Grand Bourgtheroulde, dans le nord-ouest de la France, en 2019. (Charly Triballeau /AFP)
par Alain Deneault, professeur de philosophie à l'Université de Moncton, Canada
publié le 4 juillet 2024 à 8h09

Je me souviens qu’à 20 ans, à l’aube de mon tout premier départ pour la France, en 1991, je me persuadais de quitter le Québec pour une expérience exotique et radicale, puisque je partais en pays «socialiste». Je n’étais pas candide au point de croire que j’allais vivre quoi que ce soit d’approchant l’URSS (encore agonisante), mais qu’il allait s’agir d’un rapport tout autre à la chose publique et à la vie politique, loin de ce qu’on vit dans les Etats libéraux d’Amérique.

Dans mon ethnographie d’étudiant, j’ai surtout assisté jusqu’à 1995 au lent délitement du mitterrandisme, assistant coup sur coup à la débâcle du gouvernement Cresson, à l’effondrement parlementaire de 1993, aux morts suspectes de Bousquet, de Grossouvre et de Bérégovoy, à un président malade qui s’accroche… Rapidement, après quelques hoquets depuis la droite, l’inattendue parenthèse de la cohabitation entre 1997 et 2002 nous a fait revivre, en plus court et en miniature, les compromissions des deux septennats socialistes précédents.

Le discours sur le déclinisme a accompagné le début du XXIe siècle comme