Souvent critiquée comme la nouvelle coquille vide des politiques culturelles des villes, la prolifération des tiers-lieux depuis une dizaine d’années révèle néanmoins une tentative inédite de réconcilier deux tendances de ces politiques : l’une très apollinienne, tournée vers l’art, ses grandes œuvres et le «supplément d’âme», l’autre plus dionysiaque centrée sur l’expérience culturelle, l’animation et le plaisir.
Cette réconciliation reste néanmoins ambiguë, tant, d’une part, les tiers-lieux semblent cristalliser une opposition toujours plus forte entre la politique culturelle d’Etat et politiques municipales, tant, d’autre part, sous les habits présentés comme neufs des tiers-lieux peut se rejouer dans les programmations un classicisme culturel tout à fait élitiste. Tant, enfin, à l’inverse, les tiers-lieux peuvent apparaître comme dépourvus de projet artistique et se conjuguer dans la bouche des élus avec les poncifs du lien social et du développement économique.
«Si la culture existe ce n’est surtout pas pour que les gens s’amusent»
Pour certaines communes cependant, ces tiers-lieux apparaissent comme l’opportunité de déborder l’idéologie culturelle qui prédomine depuis la fin du XVIIIe siècle centrée sur la notion d’œuvre d’art. Dans cette tradition est mis en avant l’accès aux grandes œuvres reconnues par l’histoire de l’art. Cette politique se concrétise en France en 1959, avec la création du ministère des Affaires culturelles et le principe de démocratisation culturelle. Cette politique s’accompagne d’une promesse quasi-religieuse pour les