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Libération
TRIBUNE

Dreyfus au Panthéon !

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L’héroïsme reconnu d’une «victime» capable d’affronter douze ans une entreprise de destruction de son existence et de son honneur est en soi un exemple, à honorer nationalement, estime l’historien Vincent Duclert.
Alfred Dreyfus (1859-1935). (Bridgeman Images. AFP)
par Vincent Duclert, historien
publié le 2 juillet 2025 à 12h00

Douze ans après le début de son affaire, le capitaine Dreyfus était, le 12 juillet 1906, réhabilité par la justice pour laquelle il n’avait cessé de combattre. La Cour de cassation reconnaissait son innocence entière, affirmait la vérité des faits, lui redonnait son honneur d’homme libre. Le lendemain, le 13 juillet, un projet de loi du gouvernement, le réintégrant dans l’armée au grade supérieur sans ancienneté, le privait ainsi de la reconstitution de carrière à laquelle il avait pleinement droit.

Refusant cette dernière injustice, il demanda sa mise à la retraite anticipée non sans reprendre son commandement durant toute la Première Guerre mondiale et défendre toujours ce que fut, avec l’Affaire, l’éveil d’une France des droits de l’homme, du progrès social, de la solidarité pour les persécutés. Et même ce que fut la voix du monde et de l’humanité. En 2006, l’historien Dominique Kalika eut raison d’écrire à son propos, dans les colonnes de Libération : «Le premier dreyfusard, c’est lui !»

En 2006 toujours, Jacques Chirac considéra très sérieusement la proposition de panthéoniser Dreyfus (et sa femme Lucie si la demande lui était faite). Mais une campagne négative s’y opposa, dépeignant le combattant en «victime», indigne donc du Panthéon puisque «réservé» aux héros. Le président de la République renonça à l’hommage suprême, mais décida d’une grande cérémonie à l’Ecole militaire au cours de laquelle il déclara : «La fermeté d’âme, la droiture, le courage ex