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Libération
TRIBUNE

Et si, à Paris, on rebaptisait l’avenue en face de l’ambassade de Russie «boulevard Alexeï-Navalny» ?

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Alors qu’en Russie ont lieu les obsèques de l’opposant, l’anthropologue Véronique Nahoum-Grappe relaie une pétition qui a déjà réuni 50 000 signatures pour renommer ce tronçon du boulevard Lannes. Une façon de répondre à la logique de Poutine où le silence permet de tuer.
Près de l'ambassade de Russie à Paris, le 17 février 2024, au lendemain de la mort d'Alexeï Navalny. (Dimitar Dilkoff/AFP)
par Véronique Nahoum-Grappe
publié le 1er mars 2024 à 12h20

Le pouvoir russe actuel met en œuvre la tradition stalinienne de construire un monde alternatif artificiel de mensonges déconcertants, aussi roués qu’obscènes, monde que chacun, chacune dans ce pays est obligé (de faire semblant, le plus souvent) d’habiter. Un jour, le droit pour tout être humain de se situer historiquement et culturellement dans le monde réel (tel que l’état des savoirs et des expériences en restituent la version la plus plausible) sera inscrit dans la liste des droits humains imprescriptibles – si l’humanité survit à la grande menace de régression sanglante actuelle.

Ce système de mensonge accorde aux mots, à la parole, à la construction discursive du faux une valeur quasi-démiurge de création d’un autre univers qui n’existe que parce qu’il est parlé, traduit en mots par le tyran… Dans cet autre univers, ne pas nommer c’est tuer, c’est ôter l’existence à des pans entiers de séquences historiques qui pourtant eurent lieu, de faits majeurs dont la connaissance changerait tout, de personnalités aux vies exceptionnelles interdites du droit d’exister. Que le président actuel de la Fédération de Russie ne nomme jamais Alexeï Navalny est un exemple sans originalité de cette tactique d’assassinat, par les silences du tyran qui décident des dispa