Menu
Libération
tribune

Etats désunis, par Brice Matthieussent

Réservé aux abonnés

L’écrivain et traducteur prolixe de grands auteurs américains dévoile sa relation schizophrène avec cette démocratie, qui nous offre le meilleur, et parfois le pire. Comme avec cette réélection de Donald Trump.

Lors de l'élection présidentielle américaine de 2024 le jour du scrutin à Philadelphie (Pennsylvanie), le 5 novembre. (Seth Herald/REUTERS)
Par
Brice Matthieussent
écrivain, traducteur de littérature américaine
Publié le 11/11/2024 à 16h54

J’ai toujours été désuni envers l’Amérique. Ecartelé, bipolaire. Chez moi, dès qu’il est question de ce pays, les montées d’enthousiasme et d’exaltation aboutissent invariablement au toboggan vertigineux de l’exécration, de l’incompréhension, du dégoût : non, ils ne pouvaient pas avoir fait ça. Lee Harvey Oswald ne pouvait pas avoir tué le président Kennedy, et pourtant si. Jack Ruby ne pouvait pas avoir tué Oswald dans un commissariat de Dallas. Et pourtant si. Trump ne pouvait pas avoir succédé à Obama, et pourtant si. Me voilà de nouveau au trente-sixième dessous : le même gommeux vient de dégommer sa rivale, comme il l’avait fait en 2016 face à Hillary Clinton.

Il n’y a pas que des mauvaises surprises, car j’aime ce pays avec une passion qui ne se dément pas depuis bientôt un demi-siècle. Mon père, qui y travaillait parfois, en rapportait des