Entre juin et septembre 1945, les Français fêtent enfin la paix. Le visage de la France change, tout comme celui du monde avec l’esquisse d’un nouvel ordre mondial. Du bombardement d’Hiroshima à l’indépendance du Vietnam, retour sur un été pas comme les autres avec les historien·nes Michelle Perrot, Bénédicte Vergez-Chaignon et Michael Lucken, l’écrivaine Line Papin et l’ex-secrétaire national du Parti communiste Pierre Laurent.
Hanoï est une ville qui chante. Chaque matin, je me lève au son des haut-parleurs. Ils diffusent dans la rue les nouvelles du jour. Cela commence par un tapotement, quelqu’un vérifie que le micro fonctionne, «tap tap», puis vient le test, «mot hai ba bon, mot hai ba bon», («un deux trois quatre, un deux trois quatre»). Enfin, une voix jaillit. Quand j’étais enfant, cette voix répétait combien le Vietnam était grand et fort, combien nous étions un peuple courageux et puissant, cette voix disait que nous étions les meilleurs du monde, et c’était une belle manière de commencer la journée pour mon cœur de petite fille. Je me sentais portée. Puis, venaient les chants des vendeuses ambulantes : «Banh Mi nong day !» («Pain chaud ici !») Leur chapeau conique, la longue tige de bois souple et les deux paniers suspendus à chaque bout, formaient une silhouette de cartes postales, sorte de mobile de Calder humain – tout le courage du monde dans leur chant et dans leur corps, pensais-je, et je leur achetais souvent un petit pai