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Libération
TRIBUNE

Eté 1945 : «Face aux images guerrières, je n’entends que cet orchestre symphonique d’un Vietnam resté incessamment debout», par Line Papin

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Quatre-vingts ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, «Libération» revient sur ce moment charnière (4/5). Pour la romancière, née à Hanoï en 1995, la ville chante aux sons des haut-parleurs. Elle n’a pas connu la guerre, mais reste façonnée par l’histoire du pays, entre indépendance, guerres sanglantes et levées d’embargo.
En 1945, lors de la révolution d'août, de jeunes militants armés avec des drapeaux du Viet-minh arrivent à Hanoi. (Keystone. Gamma Rapho)
par Line Papin, écrivaine
publié le 19 août 2025 à 11h14

Entre juin et septembre 1945, les Français fêtent enfin la paix. Le visage de la France change, tout comme celui du monde avec l’esquisse d’un nouvel ordre mondial. Du bombardement d’Hiroshima à l’indépendance du Vietnam, retour sur un été pas comme les autres avec les historien·nes Michelle Perrot, Bénédicte Vergez-Chaignon et Michael Lucken, l’écrivaine Line Papin et l’ex-secrétaire national du Parti communiste Pierre Laurent.

Hanoï est une ville qui chante. Chaque matin, je me lève au son des haut-parleurs. Ils diffusent dans la rue les nouvelles du jour. Cela commence par un tapotement, quelqu’un vérifie que le micro fonctionne, «tap tap», puis vient le test, «mot hai ba bon, mot hai ba bon», («un deux trois quatre, un deux trois quatre»). Enfin, une voix jaillit. Quand j’étais enfant, cette voix répétait combien le Vietnam était grand et fort, combien nous étions un peuple courageux et puissant, cette voix disait que nous étions les meilleurs du monde, et c’était une belle manière de commencer la journée pour mon cœur de petite fille. Je me sentais portée. Puis, venaient les chants des vendeuses ambulantes : «Banh Mi nong day !» («Pain chaud ici !») Leur chapeau conique, la longue tige de bois souple et les deux paniers suspendus à chaque bout, formaient une silhouette de cartes postales, sorte de mobile de Calder humain – tout le courage du monde dans leur chant et dans leur corps, pensais-je, et je leur achetais souvent un petit pai