Violences intrafamiliales, soumission chimique, impunité des prédateurs sur Internet, inceste, viol conjugal, errance médicale, entourage et voisinage complices : l’affaire Pelicot est emblématique du caractère massif et banal des violences qu’il faut combattre urgemment.
Nous nous trompons en appelant ce procès «affaire Mazan» ou même «affaire Pelicot». C’est avant tout «l’affaire des 72 violeurs» (1). C’est aussi l’occasion de se mettre face à la triste banalité du profil des hommes derrière les viols, pour enfin affronter cette réalité. Ami de la famille, inconnu du bar ou de la rue, frère ou cousin, copain, collègue, professeur, voisin : toutes les femmes pourront malheureusement trouver un visage qui les ramène à un souvenir traumatisant parmi la multitude des accusés de Mazan.
Cette affaire est à l’intersection de tout ce que les associations dénoncent depuis des années. Maintenant, il faut des actes.
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Sept ans ont passé depuis MeToo, et ça fait bien plus longtemps encore que les féministes essaient de pallier l’inaction du pouvoir politique. Par des livres, des conférences, des rapports, des posts sur les réseaux sociaux, des manifestations, par un engagement constant, elles répètent que l’homme qui viole n’est pas un monstre hors du commun mais un monsieur tout le monde, comme le père qui bat ses enfants et frappe sa femme.
Malgré ce travail sans relâche de mise en garde, ni la justice, ni le pouvoir politique, ni la société ne semblent prendre acte et agir.
Nous appelons à une mobilisation qui parte du calvaire de Gisèle Pelicot, mais ne s’y limite pas. Nous appelons les hommes à se soulever avec nous, à ne plus rester au mieux passifs, au pire complices. «Pas tous les hommes», entend-on en boucle après chaque féminicide et viol mais à quand des actions concrètes pour faire changer les choses au-delà de ces mots qui balaient d’un revers d’une main le constat ?
2,6 milliards pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles
Au niveau symbolique, les défaillances ont été nombreuses jusqu’au plus haut niveau de l’Etat : que des ministres ou députés puissent être mis en examen pour viol et rester en fonction, qu’un prédateur notoire soit qualifié de «fierté nationale» par le Président, que les programmes d’éducation sexuelle n’aient pas les ressources budgets pour être appliqués, que les centres d’accueil pour femmes victimes de violences soient menacés de fermeture, tout ceci participe à banaliser voire légitimer les comportements misogynes qui gangrènent notre société.
Nous nous joignons aux milliers de femmes, personnalités et associations féministes qui ont réclamé en mai 2024 une loi intégrale pour en finir avec les violences sexistes et sexuelles. Nous demandons à ce que soient votés dans le budget de l’État 2024, 2,6 milliards pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles (rapport de la Fondation des femmes, 25 septembre 2023).
Nous demandons plus que des beaux discours au congrès pour sanctifier des féministes du passé.
Nous voulons être en sécurité avant d’être mortes.
Nous voulons vivre, libres.
Les premières signataires : Anna Toumazoff, présentatrice radio, activiste, féministe Blanche Sabbah, activiste, féministe et autrice de BD Mathilde Caillard, activiste, féministe Camille Étienne, activiste Christelle Taraud, historienne Mehdi Maïzi, journaliste Giulia Foïs, journaliste Nesrine Slaoui, Journaliste, réalisatrice et écrivaine Anna Mouglalis, actrice Elsa Wolinski, journaliste Andréa Bescond, réalisatrice Myriam Leroy, autrice Cyril Dion, auteur, réalisateur Nikita Bellucci, productrice de films adultes Éthique Penelope Bagieu, autrice Camille Kouchner, autrice Yelle, chanteuse Pierre de Maere, auteur-compositeur, interprète Victoire Tuaillon, journaliste Clothilde Hesme, actrice.
(1) A partir des documents retrouvés par les enquêteurs, ils estiment à 72 le nombre total d’hommes qui ont sciemment accepté les consignes données par Dominique Pelicot. Parmi ces agresseurs présumés, 51 ont été identifiés et sont renvoyés devant la justice.