Construire la mémoire commune de l’Europe est une tâche plus nécessaire encore que fut l’édification d’une monnaie unique. Partons d’une vérité encombrante : nos mémoires divergent, s’opposent, se combattent, continuant, en sourdine ou à pleine voix, à miner notre vivre ensemble. Humains de condition, nous sommes condamnés à nous souvenir autant qu’à oublier. Voilà pourquoi le choix de ce que nous choisissons de commémorer est une question politique majeure. Nos célébrations, nos statues, nos noms de place et de rues disent davantage ce que nous voulons être encore que ce que nous avons été. Délaisser l’enjeu mémoriel, c’est trahir l’avenir. Car aucune paix ne sera durable sur notre continent si nous ne parvenons pas à extirper de nos souvenirs les rêves de vengeance. Les victoires des uns sont les défaites des autres. Notre vieux continent a une histoire riche, hérissée d’affrontements, de conflits, de guerres, de génocides. Nous avons dû les surmonter pour parvenir à l’édification d’un avenir commun. Des frontières aujourd’hui disparues habitent encore nombre de cœurs et d’esprits européens. Un des défis à relever par l’Union européenne est la construction d’une puissance qui ne se fonde pas sur des volontés de conquête et des nostalgies impériales.
Pour cette raison, la question de la politique mémorielle européenne est un enjeu capital. Ainsi, la géopolitique ne peut fa