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Le Libé des historien·nes

Fêtes troubles et trouble-fête, par Patrick Boucheron

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A l’heure où les pouvoirs réhabilitent certaines festivités et en répriment d’autres, les historiens jouent un rôle crucial de décryptage.

Ce qu’il y a de plus politique dans une foule en fête, c’est précisément son indétermination. (Alain Jocard/AFP)
Par
Patrick Boucheron
professeur au Collège de France
Publié le 09/10/2025 à 7h09

A l’occasion des Rendez-vous de l’histoire, qui se tiennent à Blois du 8 au 12 octobre 2025, les journalistes de Libération invitent une trentaine d’historiens pour porter un autre regard sur l’actualité. Retrouvez ce numéro spécial en kiosque jeudi 9 octobre et tous les articles de cette édition dans ce dossier.

La meilleure façon de gâcher une fête traditionnelle, c’est d’y inviter un historien. Il n’aura pas son pareil pour doucher vos enthousiasmes : non ce château cathare n’est pas un château et il n’est pas cathare, désolé mais cette tradition agricole que vous dites immémoriale est plus récente que vous le croyez, navré mais cette belle histoire de sorcière au village est une légende. Remarquez qu’il n’a pas toujours tort, notre bougon de profession : l’histoire a mieux à faire que de consoler ou de conforter, et s’il existe des fêtes troubles, alors elles réclament leurs trouble-fête.

Car ce n’est pas parce que l’on s’y amuse qu’on a toujours raison. Quittons un instant les flonflons des kermesses pour le gros son des teufeurs : ce qu’il y a de plus politique dans une foule en fête, c’est précisément son indétermination, comme le montre Arnaud Idelon dans un essai brillant (Boum Boum. Politiques du dancefloor, Divergences, 2025). Les grandes raves y sont décrites comme des «espaces de réinvention de soi», où des «géométries sociales alt