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TRIBUNE

Gouverner sans majorité absolue n’est pas (forcément) synonyme de chaos

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Elections législatives 2024dossier
La France est-elle ingouvernable si le parti du Premier ministre ne domine pas l’Assemblée ? Non, répond le professeur de droit public Jean-Philippe Derosier : la Constitution regorge de mécanismes qui permettent au gouvernement d’agir… à condition ne pas être confronté à une majorité hostile.
Séance de questions au gouvernement en mars à l'Assemblée nationale. (XOSE BOUZAS/Hans Lucas via AFP)
par Jean-Philippe Derosier, Professeur agrégé de droit public à l’Université de Lille, titulaire de la chaire d’études parlementaires
publié le 19 juin 2024 à 11h22

La dissolution prononcée par le président de la République le 9 juin plonge les électeurs, les partis politiques et les candidats dans de nombreuses incertitudes. Mais il en est une que l’on peut lever d’emblée : la majorité absolue n’est pas nécessaire pour gouverner.

Jordan Bardella, candidat aux fonctions de Premier ministre et président du Rassemblement national, déclare qu’il ne gouvernera que s’il dispose d’une telle majorité. On peut d’abord s’étonner d’une telle déclaration de la part du chef d’un parti qui a toujours défendu l’instauration du scrutin proportionnel alors que ce dernier, précisément, ne peut que très difficilement conduire à l’obtention d’une majorité absolue. D’ailleurs, la seule fois où ce mode de scrutin s’est appliqué aux élections législatives (en 1986), aucun parti n’a remporté cette majorité et la cohabitation n’a pu avoir lieu que grâce à une coalition des deux partis de la droite républicaine, à l’époque le RPR (ancêtre de LR) et l’UDF (ancêtre du MoDem).

De surcroît, la Constitution de la Ve République a été écrite, en 1958, alors que le fait majoritaire n’existait pas. Ses rédacteurs n’imaginaient donc pas qu’il puisse exister, a fortiori de façon régulière et pérenne, de majorité claire et stable à l’Assemblée nationale, à même de soutenir durablement un gouvernement. Nous sortions alors de la IVe République, qui s’était distinguée par son exceptionnelle instabilité et par le morcellement des partis politiques. La nouvelle Constitutio