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TRIBUNE

Hamas-Israël : «S’il n’y a pas de politique monde, il y a la guerre», par Michel Agier

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Pour l’anthropologue, c’est à l’échelle mondiale, qu’il convient de rouvrir la possibilité d’une relation, alors que les ethnonationalismes mortifères s’imposent partout.
Dans un bâtiment détruit à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 15 décembre 2023. (Said Khatib/AFP)
par Michel Agier, Anthropologue (EHESS, IRD). Dernier ouvrage paru : «La peur des autres. Essai sur l’indésirabilité», Rivages, 2022.
publié le 17 décembre 2023 à 12h46

Alors que les massacres de masse continuent à Gaza (près de 19 000 morts et 50 000 blessés au 14 décembre, selon les chiffres du ministère de la Santé de Gaza, administrée par le Hamas) après la tuerie du Hamas en Israël le 7 octobre (1 200 morts et près de 250 otages, selon les autorités israéliennes), le monde est impuissant à les arrêter. Il nous faut penser dans l’urgence et pour l’urgence, et, pour ce faire, réintroduire une analyse plus politique, voire cosmopolitique, que morale.

La guerre a existé en plus ou moins «basse intensité» depuis la «Nakba» («catastrophe») de 1948. Six millions de Palestiniens sont aujourd’hui dans les pays voisins, en Jordanie, au Liban, en Syrie, ainsi qu’en Cisjordanie et à Gaza. Une soixantaine de camps de réfugiés y ont été créés entre la fin des années 40 et les années 60, dont plus de la moitié entre la Cisjordanie (23) et Gaza (9) où vivent un peu plus de 600 000 Palestiniens. Ces derniers sont doublement enfermés, dans des camps au sein d’espaces eux-mêmes entourés de murs.

On assiste à un «encampement continental» du Proche-Orient (1), un processus qui fait de la région un espace à part, une hétérotopie où garder en interne toutes les crises et tous les réfugiés et déplacés actuels et potentiels qu’elles produisent. Vue à l’échelle globale, la géographie politique a transform