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TRIBUNE

Hommage à Valère Rogissart, pilier de la réduction des risques depuis les années sida

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Au sein de l’association Aides, l’ancien éducateur Valère Rogissart avait notamment travaillé à l’instauration d’un réseau national d’associations de prise en charge des toxicomanes qui a sauvé des dizaines de milliers de vies au début des années 90, rappelle son amie Anne Coppel, sociologue des drogues.
Valère Rogissart dans les locaux du Caarud 92, à Colombes, en 2009. (Patrick Kovarik/AFP)
par Anne Coppel
publié le 23 avril 2024 à 15h53

Le cœur lourd. La gorge serrée. Pour nous tous, Valère Rogissart a incarné une réduction des risques solidaire sans bla-bla à la fois joyeuse et rigoureuse qui s’est imposée comme une évidence parce que c’est ce qu’il fallait faire.

La réduction des risques ou «RDR», Valère était tombé dedans, avant d’avoir les mots pour le dire, en 1987, lorsqu’il a découvert la brochure d’Aides «Fixer propre». C’était alors la seule information destinée aux usagers de drogues, Daniel Defert, président de Aides l’avait conçue dès 1985, et il avait confié sa réalisation à des garçons qui travaillaient dans la pub et qui avaient l’expérience des drogues – une toute première action mise en œuvre, selon le principe de l’auto-support : «Rien pour nous sans nous».

Pour Valère, cela a été une révélation et il est allé immédiatement en informer ses copains de Charleville-Mézières (Ardennes). En 1987, donner accès aux seringues stériles n’avait rien d’une évidence, comme il le rappelle dans une vidéo tournée en 2022 : «Le sida, c’était un tabou, mais avec les toxicomanes en plus, alors là, ça va plus du tout !» Il était déjà malade lors de cette vidéo, mais il était resté pareil à lui-même, comme celui que j’avais rencontré en 1987 alors qu’il rédigeait son mémoire de fin d’études d’éducateur sur les malades VIH hébergés à l’association Apart en Seine-Saint-Denis. Je ne me souviens pas de ce qu’on s’est dit, mais je me souviens de ce drôle de petit gars aux yeux malicieux, qui aimait la rigolad