Menu
Libération
TRIBUNE

Il n’y a pas de vote musulman mais des votes de musulmans

Article réservé aux abonnés
Mélenchon candidat à la présidentielle 2022dossier
Si les électeurs musulmans ont majoritairement donné leur voix à Jean-Luc Mélenchon, il ne s’agit pas le moins du monde d’un choix communautaire, selon le maître de conférences en science politique Haoues Seniguer.
Pour Haoues Seniguer, distinguer «vote musulman» et «votes des musulmans» éviterait d'amalgamer et de communautariser une fois de plus ce groupe social. (Stefani Reynolds /AFP)
par Haoues Seniguer, Maître de conférences en science politique à Sciences-Po Lyon, chercheur au laboratoire Triangle, UMR 5206 à Lyon, spécialiste de l’islamisme et des rapports entre islam et politique en France
publié le 22 avril 2022 à 18h07

Après les résultats du premier tour de la présidentielle 2022, comme beaucoup d’autres sans doute ai-je pu lire sur les réseaux sociaux qu’il y aurait un vote musulman. Ce n’est pas la première fois qu’il en est ainsi fait état. Je reste cependant dubitatif tant sur la forme de l’expression que sur son interprétation, laquelle ne manque pas de donner prise à des préjugés redoutables, comme s’il n’y en avait pas déjà assez qui accentuent chaque jour un peu plus le stigmate des musulmans, quels qu’ils soient.

Si l’on en croit un sondage de l’Ifop paru récemment dans la presse, c’est le candidat de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui, objectivement, en aurait bénéficié à hauteur de 69%. Mais est-ce suffisant pour parler de vote musulman ? Si l’on s’en tient à ce simple constat factuel, alors le risque est grand de réifier et d’essentialiser, fût-ce à notre insu, l’électorat musulman, le renvoyant à une espèce de communautarisme atavique puisqu’il voterait comme un seul homme pour un candidat, choisi par avance par on ne sait quel magistère hégémonique, supposément acquis à sa cause. La politiste Sylvie Strudel mettait en garde en 2001 contre l’usage au singulier du «vote juif», car, écrivait-elle alors, il peut s’agir de l’une des facettes de ces «mythologies sociales», à la dent dure, qui recèle potentiellement «deux logiques» éminemment perverses : «Ultime moyen de conjurer l’hétérogénéité réelle des juifs avec l’unité mystique ou mythique du p