Après les résultats du premier tour de la présidentielle 2022, comme beaucoup d’autres sans doute ai-je pu lire sur les réseaux sociaux qu’il y aurait un vote musulman. Ce n’est pas la première fois qu’il en est ainsi fait état. Je reste cependant dubitatif tant sur la forme de l’expression que sur son interprétation, laquelle ne manque pas de donner prise à des préjugés redoutables, comme s’il n’y en avait pas déjà assez qui accentuent chaque jour un peu plus le stigmate des musulmans, quels qu’ils soient.
Si l’on en croit un sondage de l’Ifop paru récemment dans la presse, c’est le candidat de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, qui, objectivement, en aurait bénéficié à hauteur de 69%. Mais est-ce suffisant pour parler de vote musulman ? Si l’on s’en tient à ce simple constat factuel, alors le risque est grand de réifier et d’essentialiser, fût-ce à notre insu, l’électorat musulman, le renvoyant à une espèce de communautarisme atavique puisqu’il voterait comme un seul homme pour un candidat, choisi par avance par on ne sait quel magistère hégémonique, supposément acquis à sa cause. La politiste Sylvie Strudel mettait en garde en 2001 contre l’usage au singulier du «vote juif», car, écrivait-elle alors, il peut s’agir de l’une des facettes de ces «mythologies sociales», à la dent dure, qui recèle potentiellement «deux logiques» éminemment perverses : «Ultime moyen de conjurer l’hétérogénéité réelle des juifs avec l’unité mystique ou mythique du p