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TRIBUNE

Jens Christian Grøndahl, écrivain danois : «Nous n’avons plus à nous demander si les Russes arrivent. Ils sont déjà là»

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L’Europe est-elle capable de répondre de manière adéquate à la menace russe ? Pour l’écrivain danois, c’est la vie ordinaire des Européens qui est attaquée. La beauté de l’esprit démocratique réside dans ce qu’il est si peu héroïque et si terre à terre.
Le Premier ministre polonais Tusk, le président Macron et le chancelier Scholz, lors de la réunion du triangle de Weimar, le 5 avril, à Berlin. (Christoph Soeder/DPA)
par Jens Christian Grøndahl, écrivain danois
publié le 7 avril 2024 à 13h53

«Les Russes arrivent !» Dans ma jeunesse, les gens pouvaient dire cette phrase quand ils voulaient noircir le tableau, mais uniquement sur un ton ironique. Et l’ironie était encore plus forte quand on était de gauche. Je ne crois pas que les gens de gauche considéraient l’Union soviétique comme leur amie. Seul le Parti communiste danois le pensait. Je crois simplement que la confiance du public dans l’équilibre de la terreur était si grande que même les socialistes devaient admettre qu’ils étaient à l’abri sous le parapluie nucléaire américain, quoi qu’ils en pensent. La guerre froide a été caractérisée par des craintes justifiées d’apocalypse nucléaire, mais elle a également été une période de paix, la plus paisible de l’histoire de l’Europe.

Protégées par des missiles balistiques de moyenne portée, les nations européennes sont devenues des sociétés d’abondance où l’égalité et le bien-être étaient plus élevés que ce qu’aucune civilisation antérieure n’avait été capable d’offrir. Les Etats-Unis ayant trouvé un intérêt géopolitique à financer notre sécurité, nous avons pu profiter des «dividendes de la paix» et nous offrir un accès libre et égal à l’éducation, à des soins de santé gratuits et à un filet de sécurité pour les groupes les plus vulnérables de la société.

La démocratie s’était consolidée en Europe occidentale, l’Allemagne avait été dénazifiée après 1945, l’Italie avait laissé derrière elle son passé fasciste, puis le Portugal et l’Espagne lui avaient e