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TRIBUNE

Josephine Baker au Panthéon : femme noire et grand homme

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Difficile de penser du mal de l’artiste résistante et militante antiraciste. Mais peut-on en dire assez de bien pour justifier sa panthéonisation ? Oui, tranche le géographe Jean-François Staszak, pour aller au-delà du coup de com et ruiner les stéréotypes racistes.
Le 19 août 1961, Joséphine Baker recevant la Légion d'honneur. (AFP)
par Jean-François Staszak, université de Genève, département de géographie
publié le 25 août 2021 à 18h42

«Aux grands hommes, la patrie reconnaissante.» Ces mots inscrits au fronton du Panthéon, qui s’apprête à recevoir Joséphine Baker, elle les aurait pris très au sérieux. Fière de sa médaille de la Résistance, sa croix de guerre et sa Légion d’honneur, qu’elle aimait à arborer sur son uniforme des Forces françaises libres (FFL), grande admiratrice du général de Gaulle (qui le lui rendait bien), l’artiste qui chantait J’ai deux amours, mon pays et Paris affichait un farouche patriotisme et le plus grand respect pour la République et ses symboles.

Le communiqué de l’Elysée annonçant sa panthéonisation célèbre l’«artiste de music-hall de renommée mondiale, engagée dans la Résistance, inlassable militante antiraciste», qui a choisi «la France éternelle des Lumières universelles» et figure «l’incarnation de l’esprit français». Joséphine Baker aurait certainement été heureuse qu’on fasse d’elle ce flatteur portrait.

Il est très rare que, dans une interview, Joséphine Baker émette la moindre réserve ou critique à l’encontre de son pays d’adoption (dont elle acquiert la nationalité par mariage à 31 ans). Elle ne montre vis-à-vis de la France que de la reconnaissance, et donne pendant la guerre les preuves de son amour pour ce pays, où elle dit n’avoir jamais été confrontée au racisme. Il est probable que son statut très privilégié lui ait épargné cette expérience au quotidien. Elle ne manifeste aucune réticence à incarner les personnages de noires stér