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TRIBUNE

La cinéphilie, un bastion masculin à déconstruire

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La discipline a été, avant tout, une affaire de garçons. Mais qu’est-ce qui a merdé pour que les postes de pouvoir autant que le champ des idées aient échappé aux femmes ? s’interroge la réalisatrice Axelle Ropert.
De g. à dr. : Jean Narboni, Jacques Doniol-Valcroze, Serge Toubiana, Eric Rohmer et Serge Daney, aux «Cahiers du cinéma», en 1987. (Raymond Depardon/Magnum Photos)
par Axelle Ropert, réalisatrice, cinéphile et ancienne critique de cinéma («la Lettre du cinéma», «les Inrockuptibles»)
publié le 4 avril 2024 à 16h07

Pas facile d’être une cinéphile féministe en ce moment. Lâchons les grands mots : la puissance du geste de Judith Godrèche oblige à interroger les totems de pensée qui ont construit une certaine histoire du cinéma – fondée sur une autre puissance, masculine celle-là. Il faut être féministe.

Pour autant, critiquer «le système» en le rabattant sur les supposés vices du cinéma d’auteur, c’est complètement à côté de la plaque. La «politique des auteurs» née dans les années 50, celle qui a su penser le cinéma classique et lancer le cinéma moderne, n’a rien à voir avec une promotion de la puissance masculine. Il s’agissait, avant tout, de donner au cinéma alors «art ignoré» ses lettres de noblesse et de mettre le metteur en scène, alors considéré comme un tâcheron, au centre de l’œuvre. Ni plus ni moins. Il faut être cinéphile.

Tentons un inventaire

Peut-on se contenter de n’être féministe que pour les affaires spectaculaires de prédation et de rester strictement cinéphile pour les autres ? Non. Tout est mêlé. Cinéphile depuis mon adolescence, entrée en féminisme depuis quelques années, je me pose beaucoup de questions.

Nous sommes en 2024. Tentons un inventaire. Pas une seule femme directrice d’un grand festival de cinéma, pas une seule femme à la tête de la Cinémathèque française (et une depuis 2021 à