Dans l’une de ses dernières affaires, Sherlock Holmes fait la critique suivante au Dr Watson : «Votre habitude fatale de tout considérer sous l’angle d’une histoire plutôt que comme un exercice scientifique a ruiné ce qui aurait pu être une série de démonstrations instructives.» C’est en peu de mots le reproche que les juges du tribunal correctionnel de Paris ont fait à Marine Le Pen et à ses coaccusés dans leur délibéré fleuve de 152 pages publié au terme d’une procédure qui a duré près d’une décennie. Ce reproche est exprimé dans un paragraphe qui est bizarrement passé sous le radar des commentateurs. Que dit-il ? «Au mépris des faits, [les] déclarations [des prévenus] relèvent d’une conception à tout le moins narrative de la vérité. Ainsi, dans le cadre de ce système de défense qui tend à contester la compétence matérielle du tribunal autant que les faits, dans une conception narrative de la vérité, le risque de récidive est objectivement caractérisé.» Cette critique est inhabituelle dans un jugement, de surcroît elle surprend à une époque qui a fait du «narratif» une notion fourre-tout apte à se substituer dans les médias à la description des faits et à leur recoupement, à l’examen scientifique des preuves, bref à l’établissement de la vérité.
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La magistrate Magali Lafourcade, consultée sur ce point, explicite le point de vue des juges. «La conception “narrative” de la vérité traduit l’idée que le parti et ses dirigeants ont cherché à opposer à la vérité d