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Libération
TRIBUNE

La fausse bonne idée de la «dissuasion nucléaire européenne»

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La guerre en Ukraine constitue une aubaine afin de relancer l’idée du parapluie nucléaire français. Or, ce dont la France et l’Europe ont besoin, c’est d’une véritable capacité de persuasion basée sur les systèmes d’armes conventionnelles, estime Bernard Norlain, général d’armée aérienne.
En 2021, un futur sous-marin nucléaire lance-missiles de troisième génération SNLE 3G, publié Naval Group. (AFP)
par Bernard Norlain, général d’armée aérienne (2S), président d'Initiative pour le désarmement nucléaire (IDN)
publié le 16 mai 2024 à 17h26

Voulons-nous faire de l’Europe le prochain champ de bataille nucléaire ? Les propos du président Macron à Stockholm le 30 janvier 2024, selon lesquels «la France a la responsabilité de mettre sa capacité de dissuasion nucléaire à la disposition de l’Europe», puis à la Sorbonne le 25 avril, «la dissuasion française est un élément incontournable de la défense du continent européen» font de cette question l’horizon ultime d’une telle proposition.

Celle-ci n’est pas nouvelle : dès les années 50, le projet d’une «eurobombe» était évoqué particulièrement dans le cadre de la Coopération nucléaire européenne et du traité Euratom. En France, au début des années 60, l’idée d’un arrangement pour une «eurobombe», qui aurait été dirigée par Paris, était évoquée, malgré le scepticisme de De Gaulle pour un partage sous quelque forme que ce soit de l’utilisation de l’arme nucléaire. Puis le débat est réapparu dans les années 80 à l’initiative des chanceliers d’Allemagne de l’Ouest, Helmut Schmidt et Helmut Kohl. L’effondrement du pacte de Varsovie, en refroidissant les ardeurs nucléaires allemandes, puis le Brexit, en risquant d’isoler la France comme seule puissance nucléaire en Europe continentale et de fragiliser sa légitimité,