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TRIBUNE

La France ne m’aime plus, par Magyd Cherfi

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Après les résultats du premier tour des législatives, le fondateur du groupe Zebda se sent comme un amoureux éconduit. A cause d’une promesse trop grande, celle de s’aimer au-delà de la couleur de la peau.
Magyd Cherfi en janvier 2024 à l'occasion de la sortie de son roman «la Vie de ma mère». (Julien Jaulin/Hans Lucas)
par Magyd Cherfi, Chanteur, écrivain et acteur français, membre fondateur du groupe Zebda.
publié le 2 juillet 2024 à 8h12

La France ne m’aime plus, moi l’amoureux transi de sa langue, de ses valeurs, de son peuple, de sa terre et de sa chair constate le désamour, l’usure, le dépit peut-être. La France ne m’aime plus j’suis par terre, hébété, chagrin.

A mon amour dévastateur et inconditionnel elle a préféré celui plus raisonnable de la famille, ce cercle étriqué et clos.

Moi qui l’ai aimé plus que moi-même, me voilà telle la boussole sans son aimant. Elle m’avait pourtant prévenu – m’aimer ne suffira pas, les accrocs m’épuisent, je retourne chez ma mère me refaire trois couleurs.

Je suis éconduit avec force poignet, éconduit et conduit jusqu’à l’embarcadère qui a vu mon père le franchir dans le sens opposé. Elle me chasse car je n’ai pas su l’aimer comme elle entendait que je l’aime. Elle me tire par l’oreille jusqu’au tableau noir qui additionne les déconvenues, les griffures que j’ai occasionnées car oui j’ai griffé la promesse de me tenir à carreau, griffé quand j’ai compris que quand on n’était pas du cru, on ne faisait jamais partie des recrues.

Un bouclier

La France ne m’aime plus à cause d’une promesse trop grande, celle de s’aimer au-delà de la couleur de la peau, de l’origine sans doute et d’un prénom que j’ai pu changer aisément.

La France ne m’aime plus à cause de la promesse d’un trop grand amour, de cet amour sans frontière qui sépare parfois l’hôte et l’accueilli. La promesse rivalisait d’ambition. La barre, fixée trop haut a découragé d’ultimes tentatives à se rabibocher. Trop de résistances l’ont