Menu
Libération
TRIBUNE

La paléo-acoustique, cette nouvelle discipline qui reconstitue les sons de la grotte Chauvet

Article réservé aux abonnés
Il y a 36 000 ans, face aux peintures de la grotte ardéchoise, une narratrice ou un narrateur transmettait sans doute des récits mythologiques. Comment voix et musique résonnaient-elles ? C’est ce que étudie, avec son équipe, la préhistorienne Carole Fritz.
La Conque de Marsoulas ( 29 cm x 19 cm). (Carole Fritz/CNRS. Muséum d’Histoire Naturelle de Toulouse)
par Carole Fritz, préhistorienne (CNRS), spécialiste de l’art paléolithique
publié aujourd'hui à 18h00

A Toulouse, les historiens tendent l'oreille

«Comment restituer la dimension sonore de temps révolus, en faire monter le volume à partir des traces qu’il nous reste?». C’est à cette question que s’attaque le festival l’Histoire à venir, autour d’un double défi : rendre une voix à celles et ceux que l'histoire a pu oublier, et montrer comment on peut faire une histoire des musiques, voix et sons du passé. De la paléo-acoustique à Beyoncé, des voix des esclaves à celles des fantômes, rendez-vous dans toute la ville du 15 au 18 mai. Programme sur lhistoireavenir.eu

Comment reconstituer l’environnement sonore des Homo sapiens, chasseurs-collecteurs nomades entre 45 000 et 12 000 ans ? Une gageure. Et pourtant… c’est ce que nous tentons de faire dans la grotte Chauvet-Pont-d’Arc (Ardèche), où ont été découverts les célèbres dessins réalisés il y a 36 000 ans. Depuis trente ans, nous étudions les quelque mille traces humaines, dont plus de 500 dessins, ainsi que les vestiges de faune — notamment plus de 4 000 ossements d’ours des cavernes —, ou encore la formation de la grotte et son évolution au fil du temps.

Depuis 2020, nous souhaitons aussi reconstituer le paysage sonore dans lequel évoluaient les humains qui entraient dans la grotte. Cette recherche relève d’une discipline nouvelle : la paléo-acoustique. Que percevaient-ils dans leur quotidien ? La perception du son est à la fois intime et culturelle. Dans nos propres vies, nous n’entendons pas tous les sons qui nous entourent ; il en allait sans doute de même au Paléolithique. Comment alors imaginer leur environnement acoustique ? Le grattage des peaux, la taille du silex, les conversations, les pas feutrés dans la neige… La géophonie et la biophonie environnantes : le vent dans les feuillages, le murmure des rivières, la pluie, le grondement d’un troupeau de bisons, les chants d’oiseaux, le rugissement des lions dans le lointain… Puisque le son ne laisse pas de trace matérielle, il nous faut rechercher les supports qui le produisent. Ces recherches sont complexes, car pour ce