Interrogé dans un podcast récent sur le livre qu’il souhaiterait offrir à tous les Français, le président de la République a répondu dans un murmure inspiré Madame Bovary, œuvre qu’il a qualifiée de «concentré d’âme française». Le choix d’un roman de la désillusion et du désastre a pu apparaître de mauvais augure, mais dans l’exercice convenu du quiz littéraire, personne ne s’attendait à ce que le chef de l’Etat sorte du champ des classiques. Pourtant, pour accéder à la fonction suprême, on devrait aussi avoir lu des textes qui posent ouvertement la question du futur : de la science-fiction et même des dystopies, c’est-à-dire des utopies qui tournent mal.
Car nous voici embarqués dans un monde parallèle où la fiction politique la plus obscène a failli devenir réalité. Nous avons lu les premiers chapitres avec de délicieux frissons, croyant pouvoir, à tout moment, refermer le livre et en prendre un autre, alors que nous sommes dans le livre. Emprunté à la grande bibliothèque gratuite et démocratique, il avait un titre rassurant (la République, tome V), et il s’est transformé au fur et à mesure de notre lecture en série d’épouvante. Des signes avant-coureurs se cachaient dans ces expressions qu’on croyait réservées aux méchants de l’histoire et qu’on a vu surgir dans la bouche du Président, comme «submersion, ensauvagement,