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TRIBUNE

La Ve République, une dystopie qui s’ignore, par Philippe Mouche

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Le livre de la Ve République, où la fiction politique la plus obscène a failli devenir réalité, s’est transformé en série d’épouvante. Pour le romancier Philippe Mouche, il faut en commencer un autre. Avec d’autres personnages.
Le président Macron lors de la conférence de presse du 12 juin, au pavillon Cambon-Capucines, à Paris. (Albert Facelly/Libération)
par Philippe Mouche, écrivain
publié le 13 juillet 2024 à 11h43

Interrogé dans un podcast récent sur le livre qu’il souhaiterait offrir à tous les Français, le président de la République a répondu dans un murmure inspiré Madame Bovary, œuvre qu’il a qualifiée de «concentré d’âme française». Le choix d’un roman de la désillusion et du désastre a pu apparaître de mauvais augure, mais dans l’exercice convenu du quiz littéraire, personne ne s’attendait à ce que le chef de l’Etat sorte du champ des classiques. Pourtant, pour accéder à la fonction suprême, on devrait aussi avoir lu des textes qui posent ouvertement la question du futur : de la science-fiction et même des dystopies, c’est-à-dire des utopies qui tournent mal.

Car nous voici embarqués dans un monde parallèle où la fiction politique la plus obscène a failli devenir réalité. Nous avons lu les premiers chapitres avec de délicieux frissons, croyant pouvoir, à tout moment, refermer le livre et en prendre un autre, alors que nous sommes dans le livre. Emprunté à la grande bibliothèque gratuite et démocratique, il avait un titre rassurant (la République, tome V), et il s’est transformé au fur et à mesure de notre lecture en série d’épouvante. Des signes avant-coureurs se cachaient dans ces expressions qu’on croyait réservées aux méchants de l’histoire et qu’on a vu surgir dans la bouche du Président, comme «submersion, ensauvagement,