Menu
Libération
TRIBUNE

Le cheval de Gaza, par l’écrivain Jadd Hilal

Article réservé aux abonnés
Guerre au Proche-Orientdossier
La Palestine est peut-être aux Palestiniens ce qu’Eurydice est à Orphée : celle qui meurt mais qu’on immortalise en racontant son histoire, écrit le romancier franco-libanais. Les mots de sa mère palestinienne l’interrogent : et s’il n’avait pas compris la force de l’attachement à une terre, transmis de génération en génération ?
La peintre et dessinatrice palestinienne May Murad présente une de ses œuvres. (Daniel Dorko/Hans Lucas. AFP)
par Jadd Hilal, écrivain
publié le 19 mai 2024 à 11h50

Et si je n’avais pas compris ? Si j’avais été trop obsédé par le silence de ma mère pour comprendre ? Pour saisir ce qu’était vraiment la Palestine pour elle ? Pour me rendre compte qu’elle en était hantée, dévorée ? Qu’elle était condamnée, comme bien des Palestiniens, à trop souffrir pour parler ?

Je me souviens de ce repas que j’ai partagé avec elle il y a quelques semaines. Je lui ai déclaré que pour moi, ce que montrait le 7 Octobre était qu’il n’y avait plus d’espoir, que seul l’exode était possible puisque rien n’empêchait le gouvernement d’Israël d’agir comme il le désirait, avec l’appui des Etats-Unis et du reste de la communauté internationale. «Voilà plus de cinquante ans, m’a-t-elle répondu, que j’ai quitté ma terre et que j’y suis encore attachée, ce n’est pas toi qui m’empêcheras de la ressentir aujourd’hui. Tu ne sais rien. On a fait croire à ta grand-mère que la Nakba était provisoire, elle est restée des années dans les camps. Les Palestiniens auront leur terre, c’est cet espoir qui nous fait tenir debout, que tu le veuilles ou non.» Elle a eu un rega