La sidération qui a saisi les responsables politiques européens, confrontés depuis le mois de janvier au virage à 180 degrés de la politique étrangère états-unienne, suggère que lesdits responsables ont pris la mauvaise habitude de ne pas voir les Etats-Unis comme ils sont, mais comme ils voudraient qu’ils soient.

L’image d’Epinal, largement construite par les Etats-Unis eux-mêmes depuis 1945, d’un pays généreux et attaché à la promotion de la démocratie dans le monde, allié inconditionnel de l’Europe dans la lutte contre le totalitarisme nazi ou soviétique, et attaché au multilatéralisme, cette image continue de hanter les esprits de celles et ceux qui ne comprennent pas que ce pays ne corresponde pas à leurs schémas préconçus. Il leur suffirait pourtant de regarder un peu en arrière pour s’en rendre compte : le multilatéralisme, dont beaucoup ont cru jusqu’à ces derniers jours qu’il faisait partie de l’ADN états-unien, n’est pas une constante dans l’histoire de ce pays : il serait même plutôt une longue parenthèse, ouverte en 1945 et fermée peu après 1989.

Si l’on considère les 160 premières années de l’histoire états-unienne, de 1783 à 1939, que voit-on ? Un pays fondé sur l’idée d’«exceptionnalisme» (qui se traduit par l’unilatéralisme en politique étrangère), et désireux de se construire sans l’Europe, loin de l’Europe, voire contre l’Europe. Il ne faut jamais l’oublier : les Etats-Unis sont issus d’une guerre de décolonisation contre l’Angleterre, mais ont aussi été peup