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TRIBUNE

Le procès a réanimé nos cœurs tels qu’ils battaient avant le 13 novembre 2015

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Procès des attentats du 13 Novembre 2015dossier
Après dix mois d’audience, le verdict du procès du 13 Novembre sera rendu fin juin. Trois parties civiles témoignent d’une expérience collective hors du commun.
Philippe Duperron, président de l'association 13Onze15 Fraternité-Vérité, qui a perdu son fils Thomas, âgé de 30 ans, au Bataclan, au palais de justice, à Paris, le 17 novembre 2021. (Marc Chaumeil/Libération)
par Arthur Dénouveaux, Rescapé du Bataclan, David Fritz-Goeppinger, A été otage au Bataclan et Aurélie Silvestre, A perdu son compagnon et père de ses enfants au Bataclan.
publié le 7 juin 2022 à 7h50

En septembre dernier, nous avons tous les trois franchi les portes du palais de justice de Paris. Pendant dix mois, nous avons convergé vers la salle des Pas perdus et la salle d’audience ; une destination commune pour trois chemins différents commencés le 13 novembre 2015. A nos nuques, ces cordons colorés disgracieux qui crient à tous que nous ne sommes ni journalistes ni avocats mais victimes. Etre victime du terrorisme est un fardeau que nous avons appris à porter par-dessus nos pertes.

Il y a, dans la rivière de nos souffrances, des certitudes acquises dans la douleur et les pleurs. La perte du «moi» qui existait alors envers et contre tout, la fin de nos existences lovées dans un quotidien inexorable. Nous sommes devenus victimes parce que l’attentat dont nous avons été les cibles nous l’a imposé. Nous avons aussi dû nous définir comme tels parce que la réalité de nos traumatismes, la profondeur de nos préjudices, la fracture de nos vies a évidemment exclu tout autre terme. Double peine. Bien que ce lourd bagage pèse sur nos existences nous avons appris à vivre dans ce costume mal taillé. Avec le temps et par la force des choses nous nous y sommes même un peu habitués. Comme si les litres de larmes que nous avons versés en silence nous avaient vaccinés de la douleur, du traumatism