Voilà maintenant un moment qu’on nous rabâche les oreilles avec les méfaits de la pensée «woke» et de la «cancel culture». Au point d’y consacrer en Sorbonne un colloque, où le ministre de l’Education nationale n’hésita pas à utiliser une métaphore douteuse : «D’une certaine façon, c’est nous qui avons inoculé le virus avec ce qu’on appelle parfois la “French Theory”. Maintenant, nous devons, après avoir fourni le virus, fournir le vaccin.» On la dit vouloir effacer toute une histoire, s’en prendre aux piliers de l’identité française et européenne, répandre la haine là où régnait l’harmonie, mettre de l’huile (racialiste et genriste) sur la flamme républicaine. On s’en prend volontiers à l’Amérique, à ses campus et à ses idéologues. Et il n’est pas difficile de montrer que de ce côté-là souffle aussi parfois un vent de bêtise, voire des positions intransigeantes aux allures de révolution culturelle (on brûle des livres, en interdit d’autres, renverse des statues).
Reportage
Ce qui est intéressant dans l’anti-wokisme, surtout celui qui émane de la bouche de nos intellectuels, c’est que notre complexe de supériorité morale et intellectuelle, notre mépris et notre ignorance de la réalité américaine sont tels qu’on pense les Américains incapables de concevoir les outils de leur propre lutte. Ils sont tombés dan