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TRIBUNE

Les «bla, bla, bla d’la pookie» d’Aya Nakamura sont les «padam, padam, padam» d’Edith Piaf

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Alors que l’extrême droite et une partie de la droite jugent que la chanteuse française la plus écoutée au monde ne peut représenter le pays, l’expert en art chansonnier Théo Blauwart analyse les similitudes entre les univers phoniques et populaires des deux interprètes.
Aya Nakamura sur scène lors du festival les Déferlantes, à Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales), en 2019. (Arnaud Le Vu/Hans Lucas. AFP)
par Théo Blauwart, doctorant à l’université d’Aix-Marseille (AMU), chercheur du réseau les Ondes du monde
publié le 21 mars 2024 à 8h06

Il ne s’agira pas de revenir ici sur les actes racistes indéniablement condamnables dont la chanteuse a été victime mais bien de réfuter, par une plongée comparative au cœur de son répertoire en regard de celui de Piaf, les deux principaux arguments opposés à sa venue : des paroles incompréhensibles et une représentativité discutable du pays.

Parce que la chanson est une œuvre composite envisagée lors de sa création comme une réelle union au sein de l’interprétation dont elle bénéficie d’un texte et d’une certaine musique, considérer isolément les paroles apparaît un non-sens absolu : en chanson, le texte est fait pour interagir avec la musique pour faire vibrer la musicalité de ses mots à travers une voix, créant par là-même tout un univers.

Le choix du lexique est dépendant de sa diction même. En ce sens, on ne peut qu’admirer Edith Piaf dont chacun saurait indéniablement reconnaître la marque par son usage tout à fait atypique de la voix, notamment ses «r» traînants et roulés résonant bien au-delà de Non, je ne regrette rien. Cette manière de chanter est l’une des nombreuses traces de ses origines populaires et témoigne d’anciennes habitudes bien éloignées de la pratique de la