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TRIBUNE

Les talibans construisent une prison à ciel ouvert pour les femmes afghanes, par Atiq Rahimi

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Alors que le régime taliban vient de mettre en place des interdictions encore plus strictes pour les femmes, qui leur interdisent de parler en public ou de se parfumer, l’écrivain et réalisateur franco-afghan lance un cri de révolte, au nom de toutes ses compatriotes opprimées.
Une femme dans les rues de Kandahar, dans le sud de l'Afghanistan, le 24 août. (Wakil Kohsar/AFP)
par Atiq Rahimi, Ecrivain et réalisateur
publié le 1er septembre 2024 à 14h13

Encore des mots et des cris. Encore des armes et des larmes. Désespérément.

Je me demande si j’ai encore des mots à dire sur ma terre natale, l’Afghanistan, figure incarnée de la désolation !

Et la voix pour crier, des armes à prendre, des larmes à verser…

Non. Je me sens aussi démuni que les mains vides d’un père afghan qui rentre chez lui sans pouvoir nourrir sa famille. Aussi humilié que ce jeune garçon qui ne peut avoir la barbe exigée par les talibans. Aussi invisible que cette présentatrice de la télévision afghane, qui n’a pas le droit de montrer des mots sur ses lèvres. Aussi frustré que ces couples amoureux qui ne savent plus se réciter des poèmes de l’aimance… Et aussi sourd et aveugle que les grandes puissances mondiales. Aussi ridicule que ces hommes des Nations unies, attablés avec cette armée des ténèbres, les talibans, qui leur impose même sa volonté de ne pas avoir une seule femme à la table de la négociation !

Quelle mascarade, ce monde immonde !

Ai-je besoin d’écrire encore ces mots ? Je me le demande.

J’en ai assez d’écrire et d’entendre ces mêmes phrases creuses, ces condamnations «fermes» qui n’ont jamais ébranlé un seul crétin de taliban venu pour détruire ma terre, ni ces rois du pétrole qui les financent, ni leurs marchands d’armes et de Coran qui, directement ou indirectement, les chérissent.

Aucune sanction, aucun embargo ne ramènera le sourire sur les lèvres des Afghanes,