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TRIBUNE

Lever les tabous sur l’utilisation de l’arme chimique pendant la guerre d’Algérie

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Guerre d'Algérie (1954-1962), un conflit historiquedossier
Que ce soit pour les disparus algériens ou pour les anciens combattants intoxiqués, algériens et français, les historiens devraient pouvoir enfin accéder aux archives sur les événements qui se sont déroulés il y a plus de soixante ans.
Opération de ratissage dans le djebel d'El-Kantara au sud de la Kabylie, par le commando et les soldats appelés du contingent, Secteur d'Aumale, en mars 1961. (Marc Garanger/Aurimages. AFP)
par Christophe Lafaye, Docteur en histoire, archiviste et chercheur associé au laboratoire LIR3S de l’université de Bourgogne et Pierre Mansat, Président de l’association Josette-et-Maurice-Audin, militant de la préfiguration de Citoyenneté et Archives
publié le 8 avril 2022 à 8h08

Soixante ans après la fin de la guerre d’indépendance algérienne, les opérations menées par les «sections de grottes» pour déloger les combattants algériens de leurs caches souterraines demeurent un secret cadenassé. La raison ? L’utilisation de l’arme chimique.

Les indépendantistes algériens posaient alors un certain nombre de problèmes tactiques à l’armée française sur le terrain, dont celui de l’utilisation des nombreuses caches, réduits et grottes souterraines naturelles pour se dissimuler. Pour remporter la victoire, le ministère des Armées de la IVe République (Maurice Bourgès-Maunoury) et le haut commandement militaire (les généraux Ailleret, Lorillot, puis Salan) croient à l’utilisation de la chimie à des fins militaires.

Les «enfumades» consubstantielles

Lors de la conquête du pays par la France au début du XIXe siècle déjà, des procédés «spéciaux» avaient été utilisés pour réduire les résistances des autochtones. La conquête de l’Algérie est le théâtre des «enfumades», une forme primitive d’emploi de l’arme chimique en vue de réduire des tribus réfractaires à la domination coloniale. Dès le départ, les autochtones sont déshumanisés et réduits à l’état de bêtes que l’on peut enfumer, de nuisibles dont il faudrait se débarrasser pour «pacifier» le pays. Ces «enfumades» ressurgissent avec force quelques décennies plus tard. Elles sont consubstantielles de l’expérience de la colonisation et de la guerre en Algérie.

Mais de quoi parlons-nous ? Une arme chimique est une arme utilisant au moins un produit ch