Nous sommes imprégnés par une vision linéaire de l’histoire. Les anciens la voyaient plutôt de façon cyclique. Je propose la métaphore de la spirale, car l’historien sait bien que les contextes changent et, pourtant, il ne peut s’empêcher de trouver des airs de «déjà-vu» aux polémiques du présent.
Il en est ainsi de l’accusation récurrente d’«islamo-gauchisme» qui devient aujourd’hui un blâme d’Etat, un stigmate officiel. Cette expression m’en évoque une autre, de structure identique, celle de «socialo-papalin», utilisée en 1905 pour disqualifier le trio socialiste Briand, Jaurès et Pressensé (président de la Ligue des droits de l’homme), lors des débats parlementaires sur la séparation des Eglises et de l’Etat.
La République a la mémoire qui flanche et on a oublié à quel point la séparation de 1905 a divisé les républicains. Un député fustigeait la «macédoine de séparations» qui s’opposaient entre elles. Majoritaire à gauche, le parti radical (et son redoutable polémiste Clemenceau) trouvait les propositions de Briand, rapporteur de la commission parlementaire, beaucoup trop conciliantes envers le catholicisme romain. L’adjectif «romain» a son importance, car une double dénonciation était effectuée : céder à un catholicisme rétrograde (au lieu de favoriser un «catholicisme républicain»), livrer le catholicisme français au pape, «souverain étranger».
Combat politique contre la République
Dans cette optique, ceux qui promettaient le paradis sur terre s’alliaient avec ceux qui le situaient