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TRIBUNE

Loi sur les courtes peines : l’intolérable trou de mémoire

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En rétablissant l’emprisonnement de courte durée pour des personnes reconnues coupables de délits mineurs, les députés ne font que accroître un peu plus une surpopulation pénale jamais atteinte. Six chercheurs, dont Michelle Perrot et Didier Fassin, appellent à un débat public par l’ouverture des états généraux de la justice.
Bagne français en Nouvelle-Calédonie avant 1892, peuplé de délinquants et criminels, et de récidivistes issus du prolétariat condamnés à vie à la déportation en dehors du territoire français.. (KEYSTONE/Gamma. Rapho)
par Philippe Artières, historien, Anne-Emmanuelle Demartini, historienne, Didier Fassin, anthropologue et médecin, Pierre Lascoumes, juriste et sociologue, Antoine Lazarus, professeur de santé publique et responsable associatif et Michelle Perrot, historienne
publié le 8 avril 2025 à 18h15

Alors que nous allons commémorer l’adoption il y a cent quarante ans de la terrible loi du 27 mai 1885, dite loi sur la relégation des récidivistes, les députés viennent d’adopter une loi rétablissant l’emprisonnement à de courtes peines des individus reconnus coupables de délits mineurs. En 1885, la loi de la relégation visait à entraîner «l’internement perpétuel sur le territoire des colonies ou possessions françaises» des délinquants et criminels multirécidivistes, de «débarrasser» le sol de la France hexagonale des petits délinquants et vagabonds établissant une «présomption irréfragable d’incorrigibilité».

La loi votée le 3 avril 2025 par l’Assemblée nationale, à l’initiative du député du Cher Loïc Kervran du groupe Horizons, renoue avec une idéologie répressive et vise cette fois à promouvoir une «justice plus dissuasive» et à développer une politique pénale qui aurait trop souffert ces dernières années d’une «idéologie anti-prison».

Avec 82 152 personnes détenues au 1er mars 2025, selon des chiffres communiqués mardi 1er avril par le ministère de la Justice, soit le nombre d’individus incarcérés le plus élevé depuis la naissance de la prison pénale au lendemain de la Révolution française, la France fait partie des démocraties qui recourent le plus massivement à l’emprisonnement et l’un des seuls pays de l’Union européenne dont la population carcérale continue d’augmenter, et ce,