Menu
Libération
TRIBUNE

Los Angeles et ses mégafeux : pourquoi le monde occidental préfère-t-il fantasmer l’apocalypse ?

Article réservé aux abonnés
Les incendies ravageurs en Californie ont tout d’un rappel à la réalité adressé au royaume de la fiction. En rêvant la catastrophe comme une apocalypse, le mode de vie occidental évite de regarder en face sa responsabilité, relève l’écrivaine Nina Leger.
Le quartier Pacific Palisade, touché par les incendies, à Malibu en Californie, le 16 janvier 2025. (Mario Tama /Getty Images. AFP)
par Nina Leger, Ecrivaine
publié le 18 janvier 2025 à 11h07

La Californie s’est construite contre son territoire. Il était peuplé, elle l’a voulu vide et, pour ce faire, elle a exterminé les populations autochtones. Il était entretenu par ces populations, elle l’a fantasmé vierge. Les pionniers qui ont fait l’Etat, à partir de la ruée vers l’or de 1848, ont aveuglement ignoré ou méprisé les savoirs et pratiques autochtones qui impliquaient la pratique de feux maîtrisés pour nettoyer les sous-bois et permettre à certaines essences de prospérer.

Quand les autochtones composaient avec les ressources et les fragilités de l’environnement, les colons ont amené d’Europe une habitude de domination (maîtres et possesseurs, toujours, partout) augmentée de l’ivresse d’avoir conquis. La terre promise qui permettait aux Etats-Unis d’accomplir leur «destinée manifeste» en s’étendant de l’Atlantique au Pacifique ne pouvait exister que comme un ensemble de ressources disponibles. Ses fragilités, perçues comme des défauts, devaient être corrigées. Et l’une des premières choses que la Californie a remodelées, ce sont ses eaux, notamment pour amener celles du nord, largement irrigué, vers le sud sec où affluait la majeure partie de la population. Notamment dans cette ville en extension constante : Los Angeles.

Entre 1913 et 1926, la ville a entièrement asséché Mono Lake, le lac d’une vallée précédemment peuplée par les indiens Mono. Un aqueduc avait été construit pour que Los Angeles puisse s’abreuver à ce lac pourtant distant de 400 kilomètres. E