Par deux fois en 2017 et en 2022, une majorité de Français a voté pour Emmanuel Macron, afin d’épargner au pays le gouvernement de l’extrême droite. La promesse présidentielle prétendait alors qu’il serait possible de réduire durablement le Rassemblement national (RN) par l’émergence d’un «nouveau monde», fait de dépassement des clivages, de mise à l’écart des partenaires sociaux comme des élus locaux et de verticalité des décisions. Tous les prodiges de la pensée complexe allaient y contribuer. Sur les sujets les plus sensibles, on pouvait désormais tenter l’impossible synthèse du tout et de son contraire, dans un art consommé du «en même temps».
Tous ceux auxquels l’expérience des responsabilités avait appris l’humilité et la prudence, et qui demeuraient attachés au rôle d’amortisseur des corps intermédiaires, étaient toisés pour ne pas avoir compris l’ampleur du mouvement tellurique qui les avait renversés. Vestiges d’un monde englouti, ils étaient fustigés ou moqués pour ne pas avoir encore fait allégeance. Ces excommuniés n’étaient cependant pas seuls : ils portaient avec eux de solides convictions.
Chacun dans ce paysage nouveau était porteur d’une radicalité qui l’autorisait à tout transgresser : le pouvoir en place instituait une gouvernance où un seul homme décidait de tout, en réduisant ses contre-pouvoirs à la condition médio