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TRIBUNE

Marc Weitzmann : «Là où Rushdie embrasse la non-permanence de l’être, Ernaux vise précisément le contraire»

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Le journaliste et producteur de France Culture répond à la chronique de Daniel Schneidermann parue dans «Libération» sur le traitement de la Prix Nobel 2022 de littérature à la radio.
Annie Ernaux lors de la remise de son prix Nobel à Stockholm, le 7 décembre 2022. (Fredrik Persson/AP)
par Marc Weitzmann, journaliste et écrivain, producteur de l'émission Signe des temps sur France culture
publié le 8 décembre 2022 à 12h11

Cher Daniel Schneidermann,

Lundi dernier, dans un papier titré «Annie Ernaux, le procès d’Yvetot», [et «Annie Ernaux : France Culture est-elle devenue folle ?» sur le site de Libé, ndlr] vous vous en êtes pris à Alain Finkielkraut, Pierre Assouline et moi-même, trois collaborateurs de France Culture, station rendue «folle», écrit Libé, par notre présence, et pour la seule raison que nous émettons quelques réserves à l’endroit d’Annie Ernaux. Comme si, à nous trois, nous dessinions toute la politique de la station à son endroit, comme si son Nobel n’avait pas été célébré ailleurs, et de multiples fois, sur France Culture.

J’ai droit à la première salve : dans l’introduction d’une émission récente de Signes des Temps consacrée à Salman Rushdie, j’aurais opposé, selon vous, «le seul Nobel légitime, Rushdie, écrivain du cosmopolitisme et de l’identité changeante» à Ernaux, coupable à mes yeux «de n’être sortie de l’enfance à Yvetot que pour s’installer en mère de famille dans le Val d’Oise, et d’oser faire œuvre d’une vie ordinaire». Autrement dit, mon snobisme cosmopolite n’aurait d’égal que le mépris que je porte aux basses classes enracinées dans la banalité des provinces françaises. C’est me prendre pour un imbécile, et vos lecteurs avec moi.

J’ai dit deux choses dans cette émi