«On frappe à la porte. Si tôt le matin, ça n’arrive jamais. J’ai peur. Le jour n’est pas levé, il fait encore brun dehors. Mais arrêtez de taper si fort. J’arrive.» Derniers mots de la nouvelle Matin brun (1). Jamais je n’aurais pensé les entendre aujourd’hui résonner à la porte de mon pays, coups de poing déclencheurs d’une catastrophe annoncée.
Ecrite en 1997 [et publiée en 1998, ndlr] alors que les mairies de Vitrolles, Orange, Toulon, Marignane tombaient aux mains du Front national, cette nouvelle rebondit en 2002 quand le FN se qualifie pour le second tour de l’élection présidentielle. Elle est devenue une voix universelle et libre qui place le lecteur devant son image en miroir : «Qu’est-ce que je fais, moi, dans mon coin, quels que soient mon âge, ma profession, ma religion, pour repousser l’hydre brune ?» L’hydre, vous savez, cette bête immonde aux capacités régénératrices : vingt-cinq ans après, elle est toujours là, au Parlement, sur les plateaux des télés complaisantes et surtout dans la tête de ceux et celles qui ne comprennent pas qu’elle a déjà pris les commandes de leurs pensées.
L’Etat brun élimine chats et chiens
Dans Matin brun, Charlie et son copain vivent l’époque trouble d’un régime politique extrême, l’Etat brun, dont les premières mesures consistent à éliminer les chats et les chiens qui n’auraien