La prostitution des mineurs, bien que formellement prohibée par la loi française, persiste dans les interstices d’un espace social fragmenté. Ces adolescents, souvent en errance ou issus de l’Aide sociale à l’enfance, sont confrontés à une violence qui ne se limite pas à l’exploitation sexuelle : ils et elles traversent une suite de ruptures affectives, sociales et symboliques qui altèrent profondément leur équilibre psychique.
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Ce que révèle leur souffrance, c’est moins un échec ponctuel qu’un effondrement systémique des cadres de protection. L’effacement progressif des repères collectifs, la dislocation du travail social sous l’effet de logiques managériales et l’impossibilité pour le soin psychique de s’ancrer durablement dans des liens humains dessinent les contours d’un monde où les adolescents ne sont plus reconnus comme sujets à part entière. Leurs trajectoires incarnent une crise plus vaste : celle du lien, du récit, de la transmission.
Entre effondrement du narcissisme et marchandisation du corps
L’adolescence est une période de remaniements intenses : le corps change, le regard de l’autre devient central, la construction de l’identité passe par des formes d’expérimentation, parfois de mise en danger. Ces dynamiques sont constitutives d’un processus normal de subjectivation. Mais dans le cas des adolescents en situation de prostitution, ce processus est court-circuité.
Leur corps devient rapidement un objet, une surface d’échange, un lieu d’anesthésie ou de tentative de symbolisation. La parole étant souvent absente ou rendue imp