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TRIBUNE

Mort de Navalny : les étoiles de sang sont de retour dans le ciel russe, par Jean-Christophe Bailly et Olivier Rolin

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Les deux écrivains ont aimé le pays, sa langue, sa littérature, son théâtre. Ils disent aussi leur admiration pour ceux qui opiniâtrement y ont lutté. Hommage au courage de l’opposant Alexeï Navalny et à une certaine Russie qui s’éteint.
Alexeï Navalny lors de son hommage rendu à feu Lioudmila Alexeïeva, fondatrice du plus ancien groupe de défense des droits de l'homme de Russie, à Moscou, le 11 décembre 2018. (Maxim Shemetov/REUTERS)
par Jean-Christophe Bailly et Olivier Rolin, Ecrivains
publié le 20 février 2024 à 12h38

Nous avons aimé la Russie. Nous y avons voyagé, travaillé, nous y avons rencontré, connu, admiré, parfois aimé des gens. Nous avons aimé, nous aimons toujours sa langue, sa littérature, son théâtre. Nous y avons éprouvé la curiosité passionnée qu’en certains lieux, pas partout, mais c’était ces lieux-là qui nous étaient chers, on y avait pour ce qui venait de zapad, «l’Ouest», l’Europe. Nous avons pu rêver, car c’était imaginable, possible, d’une Europe qui irait jusqu’à l’océan Pacifique. Nous admirions la «petite bonté» dont parlent Tolstoï ou Vassili Grossman. Nous nous souvenions, nous nous souvenons toujours qu’est née là-bas l’une des grandes espérances, aussitôt défigurée, trahie, du XXe siècle.

Nous savions aussi que c’est là-bas qu’eut lieu l’une des grandes tueries du XXe siècle, et qu’envers elle et ses victimes sans nombre, sans nom, le travail de deuil était inachevable. De là notre admiration pour ceux qui opiniâtrement luttaient pour éviter le retour des temps terribles où, dit Akhmatova, «zviezdy smiorty staiali nad nami», «les étoiles de la mort planaient au-dessus de nous».

Nous aimions aussi, là-bas, des choses plus insaisissables, difficiles à d