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TRIBUNE

Non, je ne boycotte pas l’IA, je fornique avec elle, par Erik Rémès

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L’écrivain exhorte les minorités à «pirater» l’intelligence artificielle avec leurs mots pour ne pas laisser les «géants techno-capitalistes et des néoconservateurs» domestiquer le langage et les machines.
L’IA n’est pas qu’un outil, c’est une mutation comme jamais l’humain n’en a connu. (Fiordaliso/Getty Images)
par Erik Rémès, écrivain
publié le 8 juin 2025 à 6h09

Que fait l’IA au langage ? Dans sa récente chronique «Refusons de nourrir la bête ChatGPT», Paul B. Preciado dénonce une double capture. Marchande, par les grandes entreprises de l’intelligence artificielle (OpenAI, DeepSeek…) qui s’accaparent le langage comme un bien privatisable. Politique : par les mouvances extrémistes qui détournent les mots de l’émancipation (comme féminisme, [lutte contre l’]antisémitisme, genre) pour réinstaurer des systèmes d’oppression. Il appelle en conséquence à «une grève des mots et de clicks pour stopper l’extraction et la numérisation des données».

L’IA soulève d’intestinales questions : peut-on participer à la numérisation de la conscience humaine sans prendre une part de responsabilité à la fin de l’espèce ? L’art existe-t-il en dehors de l’humain ? Pourtant l’IA n’est pas qu’un outil, c’est une mutation comme jamais l’humain n’en a connu. Quand on est écrivain ou créateur, on ne cherche pas à utiliser l’IA comme un comptable, une calculette, on veut l’incorporer, la faire jouir, la détourner, la pirater même — pour en faire une extension de notre cerveau sale, pas un correcteur d’orthog