En ces temps tortueux, il faut convenir que présenter l’Etat de droit comme le code d’accès à la démocratie, même continue, est au mieux une affirmation contre-intuitive et au pire une provocation lancée à la pensée dominante. De tous côtés en effet, et sur tous les continents, l’Etat de droit – entendu simplement comme la soumission de toutes les institutions au respect du droit quelles que soient sa source, sa nature et sa substance – est dénoncé. Pour les uns, il serait à l’origine de la crise contemporaine de la démocratie ; le droit étoufferait la démocratie ; la démocratie par l’élection laisse la place à la démocratie par le droit et, conséquence logique, la république des citoyens laisse la place à la république des juges.
Pour d’autres, l’Etat de droit est la forme politique par laquelle le libéralisme économique exprime et dissimule à la fois la protection des intérêts privés et assure par cette objectivation juridique sa domination sociale. Le droit est ainsi une forme subtile d’asservissement des individus puisque croyant obéir à un ordre régulé par des lois générales et impersonnelles ils sont soumis, en réalité, à l’économie politique des puissants. A suivre ces discours, qui sont aujourd’hui dominants, le droit serait le code d’accès au gouvernement des juges ou/et au gouvernement des forces économiques, et les individus devraient abandonner le droit pou