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TRIBUNE

Non, le droit ne pollue pas la démocratie, il la rend possible, par Dominique Rousseau

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Face aux attaques de l’Etat de droit, la réalité juridique impérative à prendre en compte est la distinction entre droit et loi. Elle ouvre un espace où peut se discuter la manière dont la loi fait vivre ou mourir le droit. Ainsi, la justice est une composante incontournable de la qualité démocratique, affirme Dominique Rousseau, professeur émérite de droit public.
Manifestation contre l'extrême droite et le racisme, à Paris, le 22 mars 2025. (Boby/Libération)
par Dominique Rousseau, professeur émérite de droit public, université Paris-1 Panthéon Sorbonne, membre honoraire de l’Institut universitaire de France, ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature
publié le 11 avril 2025 à 12h23

En ces temps tortueux, il faut convenir que présenter l’Etat de droit comme le code d’accès à la démocratie, même continue, est au mieux une affirmation contre-intuitive et au pire une provocation lancée à la pensée dominante. De tous côtés en effet, et sur tous les continents, l’Etat de droit – entendu simplement comme la soumission de toutes les institutions au respect du droit quelles que soient sa source, sa nature et sa substance – est dénoncé. Pour les uns, il serait à l’origine de la crise contemporaine de la démocratie ; le droit étoufferait la démocratie ; la démocratie par l’élection laisse la place à la démocratie par le droit et, conséquence logique, la république des citoyens laisse la place à la république des juges.

Pour d’autres, l’Etat de droit est la forme politique par laquelle le libéralisme économique exprime et dissimule à la fois la protection des intérêts privés et assure par cette objectivation juridique sa domination sociale. Le droit est ainsi une forme subtile d’asservissement des individus puisque croyant obéir à un ordre régulé par des lois générales et impersonnelles ils sont soumis, en réalité, à l’économie politique des puissants. A suivre ces discours, qui sont aujourd’hui dominants, le droit serait le code d’accès au gouvernement des juges ou/et au gouvernement des forces économiques, et les individus devraient abandonner le droit pou