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TRIBUNE

Nous, humains, pouvons-nous sympathiser avec l’intelligence artificielle ?

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Pour le philosophe Guillaume von der Weid, l’IA relationnelle ne fera pas plus disparaître les relations humaines que Spotify n’a fait disparaître les salles de concert et donnera certes un nouveau terrain d’expression aux vices, mais sans en créer de nouveaux.
Sympathiser avec une IA pose deux questions : ces relations vont-elles enrichir, pervertir ou nous détourner des véritables relations humaines ? Peut-on accepter que notre humanité prenne racine dans une illusion ? (Jasmin Merdan/Getty Images)
par Guillaume von der Weid, philosophe spécialiste des questions éthiques
publié le 3 septembre 2024 à 12h47

Alors que l’émerveillement initial suscité par l’intelligence artificielle se dégonfle, un phénomène étonnant se fait jour : un attachement affectif à l’IA, indépendant de ses réalisations pratiques. Qu’elle prenne la forme de «compagnons de conversation», de «partenaires amoureux», de «psychologues thérapeutes» ou encore de «personnes ressuscitées», l’IA sait désormais tisser des relations personnelles avec ses utilisateurs, comme le mettait en scène le film Her (2013).

Paradoxalement, sa puissance de calcul avant tout quantitative est devenue capable de produire une réalité humaine qualitative par nature. Ces relations virtuelles, en effet loin d’être instrumentales comme avec un frigo qui parle, une voiture qui obéit ou une application qui répond, constituent un espace d’interactions où chacun se définit par rapport à l’«autre». Il ne s’agit plus de faire faire, mais de faire être. Car c’est du sein des relations que notre conscience émerge, que notre langage signifie, que notre liberté décide.

Prendre racine dans une illusion ?

Ce qui pose deux questions, de fait et de principe. D’abord, ces relations virtuelles vont