Menu
Libération
TRIBUNE

Nous ne sommes pas les seules espèces à transformer les amis en ennemis, par Jane Goodall

Article réservé aux abonnés
La primatologue renommée a consacré près de soixante-cinq ans à l’étude des interactions sociales et familiales des chimpanzés sauvages. Elle a vu la violence se déchaîner chez nos cousins primates et nous alerte sur le besoin de mieux contrôler notre pouvoir de destruction.
Jane Goodall dans le parc de Gombe Stream, en Tanzanie, lors d’une émission diffusée en 1965 par la télévision américaine CBS. (CBS. Getty Images)
par Jane Goodall, fondatrice de l'institut Jane Goodall
publié le 16 novembre 2024 à 12h45

Si vous avez moins de 80 ans, il y a de fortes chances que vous n’ayez pas été témoin de la guerre sur votre propre sol. La période relativement paisible et prospère qu’ont connue les générations récentes ressemble à celle qui régnait parmi les communautés de chimpanzés du Gombe Stream Research Center, en Tanzanie, lorsque je suis arrivée en 1960 pour débuter mes recherches. A l’époque, je voyais les chimpanzés de notre communauté utiliser et fabriquer des outils, s’accueillir avec des baisers et des embrassades. Il y avait des liens très forts entre les membres de la famille, des amitiés durables, des bébés qui apprenaient par observation et des exemples de véritable altruisme. J’en suis venue à croire que les chimpanzés, avec lesquels nous partageons 98,6 % de notre ADN, étaient si semblables à nous, mais d’une manière plus sympathique.

La face sombre des chimpanzés et des humains

Mon éveil à la face sombre des chimpanzés a commencé en 1970, lorsque l’un de nos chercheurs a observé une attaque brutale menée par un groupe de mâles de notre communauté contre une femelle d’une communauté voisine. Ils l’ont frappée, piétinée et ont même saisi son bébé pour le tuer. Cette violence avait été déclenchée par l’alpha, Humphrey, que nous, chercheurs, appelions un peu un psychopathe, car il avait déjà fait preuve de violences envers les femelles de sa propr