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TRIBUNE

«On ne peut rien faire» pour Gaza ? Refusons cette impuissance, par Leïla Slimani et Alberto Manguel

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Les démarches effectuées par la romancière Leïla Slimani et l’écrivain argentino-canadien Alberto Manguel pour faire sortir une famille du territoire en guerre n’ont pas abouti. Mais céder à la résignation face à l’esprit vengeur de Nétanyahou, à la folie meurtrière de Poutine, aux errements de Trump, à la montée du racisme et de l’antisémitisme serait «cracher sur notre passeport d’homme», écrivent-ils à «Libération».
A Paris, lors d'une manifestation d'organisations non gouvernementales, dont Amnesty International, pour appeler à un cessez-le-feu à Gaza, le 8 juillet 2025. (Bastien Ohier/Hans Lucas. AFP)
par L’écrivaine franco-marocaine Leïla Slimani et l’auteur argentino-canadien Alberto Manguel
publié aujourd'hui à 6h22

Le 16 février 1943, alors que les bombardements alliés s’abattent sur Palerme, l’écrivain italien Tomasi Di Lampedusa adresse une lettre déchirante à sa femme. Il décrit des scènes d’une violence insoutenable. Un cocher au ventre déchiré. Quatre chevaux noirs accroupis dans une mare de sang. Sur le dos des chevaux, une jambe d’enfant «venue on ne sait d’où». Un major secourant une petite fille horriblement mutilée. L’auteur du Guépard, désespéré, conclut : «Quand on voit ce qui s’est passé, on a envie de cracher sur son passeport d’homme.»

Essayons désespérément d’aider une famille à quitter Gaza

Depuis quelques semaines, nous, Leïla Slimani et Alberto Manguel, essayons désespérément d’aider une famille à quitter Gaza. Désespérément, oui, parce que malgré les dossiers qu’ils sont parvenus à constituer, malgré l’argent qu’ils ont difficilement collecté, malgré même les élans de solidarité qui se sont manifestés pour les accueillir, aucune issue ne semble se profiler.

Ils sont et restent prisonniers de l’enclave et dans les courriers que nous recevons ils nous décrivent la difficulté à trouver de la nourriture, la faim qui tenaille les enfants, le manque de médicaments alors même que certains membres de la famille sont gravement malades. La mort qui rôde, partout. Celle que induisent les bombardements et puis la mort lente, l’agonie des proches privés de tout.

Et chaque jour, répondre qu’on ne sait plus quoi faire, qu’on ne sait plus à quelle porte frapper, quelle autorité supplier. Chaque jour, être le témoin imp