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TRIBUNE

Où est donc passée la statue de Jean-Paul Sartre ?

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Un bronze représentant le philosophe et fondateur de «Libération», disparu il y a quarante-cinq ans, ornait le jardin de la Bibliothèque nationale de France. Mais en 2023, à l’issue de travaux, plus de trace de l’œuvre. Il est temps de mettre fin à cette absence, affirme sa biographe Annie Cohen-Solal.
La statue de Roseline Granet «Hommage à Jean-Paul Sartre» (1987) était exposée dans la cour de la Bibliothèque nationale de Paris. (Chris Der Grosse/Adagp. Photononstop. AFP)
par Annie Cohen-Solal, professeure émérite à l’Université Bocconi (Milan), auteure de "Sartre : 1905-1980" (Gallimard)
publié le 20 avril 2025 à 11h44

Pendant l’une des années plus actives de sa vie, en 1960, Sartre s’était amusé à dicter quelques-uns de ses rêves à sa fille adoptive, Arlette Elkaïm. L’un d’entre eux concernait une histoire de statue : «Cela se passait dans le banquet d’une université étrangère où j’avais parlé la veille. A côté de moi, le recteur ou le doyen, qui me dit : “On a voté des crédits pour vous ériger une statue dans le jardin — Je sais, lui répondis-je, mais dans quelques années, je serai ou bien trop oublié, ou bien trop connu pour avoir ma statue dans le jardin.”»

De fait, pendant près de vingt-deux ans (de 1987 à 2009), entre la Bourse de Paris et les Jardins du Palais Royal, dans le jardin Vivienne, au cœur de la Bibliothèque nationale de France (BNF), un petit homme massif, penché vers l’avant, mains dans le dos, marchait. Cette statue de bronze, Hommage à Jean-Paul Sartre, avait été commandée à la sculptrice Roseline Granet en 1985, cinq ans après la mort du philosophe. Et, pendant près de vingt-deux ans, côtoyant ce «Sartre en marche» – probablement inspiré par la photographie d’Antanas Sutkus sur une plage de Lituanie dans les années soixante –, nombre de lecteurs de la BNF évoquaient quelques lignes de l’écrivain le plus prolifique du XXe siècle, comme ce fameux «tout un homme, fait de tous les hommes et qui les vaut tous, et q